[Chronique] 24 vues du mont Fuji, par Hokusai de Roger Zelazny

24 vues du mont Fuji

« En attendant, je bois le moment avec une grande gorgée d’air salé, en me disant que l’océan est l’océan, le pêcheur un pêcheur et le Fuji une simple montagne. Puis, lentement, j’expire… »


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24 vues du mont Fuji, par Hokusai
Auteur :
Roger Zelazny
Traducteur : Laurent Queyssi
Illustration :  Aurélien Police
Éditeur : Le Belial’
Genre : Science-fiction
Date de parution française : 31 août 2017
Nombre de pages : 136
Prix : 9,90 €
 
Synopsis
Son époux est mort. Ou disons qu’en tout cas, il n’est plus en vie… Pour Mari, le temps du deuil est venu. Un double deuil… Armée d’un livre, Les Vues du mont Fuji, par Hokusai, elle se met dans les traces du célèbre peintre japonais afin de retrouver vingt-quatre des emplacements depuis lesquels l’artiste a représenté le volcan emblématique — autant de tableaux reproduits dans l’ouvrage. Un pèlerinage immersif, contemplatif, au cœur des ressorts symboliques de cette culture si particulière, un retour sur soi et son passé. Car il lui faut comprendre… et se préparer. Comprendre comment tout cela est arrivé. Se préparer à l’ultime confrontation. Car si son époux n’est plus en vie, il n’en est pourtant pas moins présent… Là. Quelque part. Dans un ailleurs digital. Omnipotent. Infrangible. Divin, pour ainsi dire…
 
MON avis
10e titre de la collection Une heure lumière des éditions Le Belial’, 24 vues du Mont Fuji, par Hokusai est une novella paru en 1985 et qui a obtenu le prix Hugo du meilleur roman court en 1986. 
 
Le récit s’inspire des estampes du Mont Fuji d’Hokusai, un peintre japonais qui a vécu de 1760 à 1849 et qui est célèbre pour ses 46 gravures du Mont Fuji que l’on peut retrouver dans son recueil Trente-six vues du mont Fuji. Hokusai a ainsi capté différentes vues du mont Fuji à partir de lieux et de saisons différent(e)s et chaque chapitre de l’œuvre de Roger Zelazny nous emmène à travers ces lieux. Guidée par l’esprit d’Hokusai, Mari part en pèlerinage pour capter 24 des 46 vues du Mont Fuji. On comprend vite que derrière ce pèlerinage se cachent des choses plus sombres et que la mort se trouve au bout du chemin. Mari révèle dès les premières lignes l’étrange histoire de son époux qui est à la fois mort et vivant, mort dans le monde réel, mais vivant dans le monde technologique. Car ce roman si poétique et onirique, qu’on pourrait penser être une ode à la nature, cache en réalité un autre aspect, celui d’un monde futuriste aux technologies avancées. Le récit possède ainsi une sorte de double personnalité assez déroutante. Il y a d’un côté le voyage doux et contemplatif de Mari, avec toujours les paysages du Mont Fuji en toile de fond. Ce voyage est animé par la très grande solitude de Mari, sa volonté d’introspection pour se préparer à ce qui l’attend. Elle parcourt des lieux très reculés qu’on imaginerait plutôt appartenir au passé. Et d’un autre côté, le récit possède un aspect froid et dur lié aux technologies futuristes. Le côté SF du récit vient parfois casser cette ode à la nature et l’introspection de manière brutale. Cette double facette amène des cassures assez surprenantes à ce récit dont on connaît l’issue dès les premières pages. 
 
La plume de Roger Zelazny est d’une grande beauté et dépeint à merveille aussi bien les paysages que les sentiments humains complexes. Il nous emmène d’un lieu à l’autre dans une atmosphère dense et contemplative. Je lis d’habitude les novella de cette collection d’une traite et pourtant, pour celle-ci, j’ai eu besoin de faire des pauses afin d’intégrer au mieux ce voyage, symbole du parcours de vie de Mari. Le rythme est lent, mais truffé de références et de métaphores. Il se lit comme on observerait une œuvre d’art, sans forcément en saisir tous les détails et toutes les subtilités dès la première observation. 24 vues du Mont Fuji est un voyage à la fois artistique et spirituel qui laissera certains voyageurs au bord du chemin. Si pour ma part le voyage ne m’a pas déplu, le texte m’a laissé un peu trop en retrait, sans attache pour les personnages. J’ai eu une sensation de froideur qui m’a éloignée du personnage de Mari et m’a empêchée de m’investir émotionnellement dans l’intrigue. Je suis peut-être en même temps passée à côté de certains messages et références. C’est un texte beaucoup plus profond et complexe qu’il n’y paraît. Je n’ai d’ailleurs pas pensé à regarder les estampes d’Hokusai au cours de la lecture et c’est une erreur, j’aurais peut-être été plus immergée dans la lecture si je l’avais fait. 
 
Si je suis passé à côté de certains aspects du récit, la plume remarquable de Roger Zelazny a su me faire apprécier ce voyage. J’ai aimé le mélange entre récit de voyage contemplatif et univers brut de science-fiction. Un mélange dont il ressort une certaine forme de poésie, beaucoup de réflexions spirituelles, philosophiques, artistiques… A lire et sûrement à relire pour en apprécier toutes les facettes.
 
Bonne lecture

16 réflexions sur “[Chronique] 24 vues du mont Fuji, par Hokusai de Roger Zelazny

  1. Pierre-Paul Durastanti 12 février 2022 / 8 h 25 min

    Merci pour ce papier équilibré.
    Par contre, si la plume de Zelazny est « d’une grande beauté », « remarquable »… Vous ne croyez pas que votre cartouche pourtant très détaillé pourrait inclure le nom de la personne qui vous permet d’apprécier cette plume en français ?

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    • Sometimes a book 12 février 2022 / 10 h 16 min

      Bonjour, il s’agit d’un simple oubli, si vous regardez mes chroniques, je mentionne toujours le traducteur ! Erreur réparée, merci de me l’avoir signalée !

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      • Pierre-Paul Durastanti 12 février 2022 / 11 h 23 min

        Erf, je n’ai pas pensé à vérifier, pardon !
        Et merci.

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  2. tampopo24 12 février 2022 / 9 h 24 min

    En te lisant, j’ai l’impression que Zelazny s’est bien fondu dans l’ambiance japonaise de ces estampes et étant de plus en plus sensible à cet objet artistique ça me donne très envie de le lire !

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  3. OmbreBones 12 février 2022 / 10 h 21 min

    Finalement cet aspect froid ne serait il pas propre à l’inspiration asiatique du texte ? C’est quelque chose que je rapproche souvent perso mais c’est une réflexion que j’ai eue comme ça en te lisant, je me suis dit que j’allais la partager 😁

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  4. Jean-Yves 12 février 2022 / 22 h 32 min

    J’avais trouvé ça très beau ! Jamais, je n’avais autant pris le temps de lire et de relire des extraits, de contempler les images… Mais c’est vrai que c’est assez déroutant, les enjeux SF mettant du temps à arriver…
    Je recommande chaudement Songe d’une nuit d’octobre, une sorte d’hommage parodiques aux récits gothiques et poulpique du XIX et début XXe ^^

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  5. Shaya 13 février 2022 / 21 h 27 min

    J’avoue être passée à côté de cet UHL malgré une superbe écriture et traduction. Il faudrait sans doute que je connaisse un peu plus Hokusai 🙂

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  6. zoelucaccini 14 février 2022 / 13 h 41 min

    Je l’ai lu le week-end dernier, et j’ai le même ressenti que toi.

    J’ai aimé cette promenade artistique et philosophique aussi, même si parfois, j’avoue honteusement avoir lu en diagonale quelques pages, notamment dans la 1ère partie…

    En revanche, j’ai lu le bouquin avec les estampes sous le nez, et c’était effectivement bcp plus visuel, j’avais l’impression de me balader dans les estampes à côté de Mari.

    je pense comme toi que c’est un texte qui peut être lu plusieurs fois, nous offrant diverses réflexions selon notre état, notre vision des choses, notre sensibilité…

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  7. Lutin82 15 février 2022 / 21 h 53 min

    J’ai de mon côté vraiment beaucoup aimé. Déjà, j’adore la SFFF, cela aide, et puis cette ambiance contemplative d’inspiration asiatique m’a beaucoup séduite.

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  8. Yuyine 18 février 2022 / 9 h 20 min

    Elle m’avait grandement désarçonnée cette novella. C’est en effet un texte très riche qui mérite relecture pour en apprécier la grandeur. J’avais été séduite par la proposition originale et la poésie de ce texte.

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