[Chronique] [anatèm] – tome 1, de Neal Stephenson

Anatèm
 –

« Je recroisai fraa Orolo en fin d’après-midi alors qu’il sortait d’une salle de craie , nous devisâmes au milieu des niches emplies de pages. Je n’eusse pas fait l’erreur de lui demander à quoi il avait voulu en venir avec son étrange débat sur la cosmographie, à la lumière du jour. Dès lors qu’il avait décidé de professer de cette façon, il n’était plus possible de lui arracher une réponse directe. »


 
couv69635056
[anatèm] – tome 1
Auteur
: Neal Stephenson
Traducteur : Jacques Collin
Illustration : Gaëlle Marco
Éditeur : Albin Michel Imaginaire
Genre : Science-fiction
Date de parution originale : 26 septembre 2018
Nombre de pages : 656
Prix : 25 €
Synopsis
Fraa Erasmas est un jeune chercheur vivant dans la congrégation de Saunt-Edhar, un sanctuaire pour les mathématiciens et les philosophes. Depuis des siècles, autour du sanctuaire, les gouvernements et les cités n’ont eu de cesse de se développer et de s’effondrer. Par le passé, la congrégation a été ravagée trois fois par la violence de conflits armés. Méfiante vis-à-vis du monde extérieur, la communauté de Saunt-Edhar ne s’ouvre au monde qu’une fois tous les dix ans. C’est lors d’une de ces courtes périodes d’échanges avec l’extérieur qu’Erasmas se trouve confronté à une énigme astronomique qui n’engage rien de moins que la survie de toutes les congrégations. Ce mystère va l’obliger à quitter le sanctuaire pour vivre l’aventure de sa vie. Une quête qui lui permettra de découvrir Arbre, la planète sur laquelle il vit depuis toujours et dont il ignore quasiment tout.

MON avis

Anatèm a été l’une des publications de lancement de la nouvelle collection imaginaire d’Albin Michel après 10 ans d’attente pour le voir publier en France. En effet, malgré son immense succès outre-Atlantique, les difficultés de traduction ont repoussé son arrivée chez nous. En français le roman a d’ailleurs été coupé en deux gros volumes alors qu’il s’agit d’un one-shot dans sa version originale. Je vous conseille d’ailleurs de vous méfier du synopsis de l’éditeur qui résume en réalité les deux tomes et qui donc spoile plus de 60% du premier tome ! 

Une expérience de lecture

Je dois avouer que j’avais peur de me lancer dans ce roman n’ayant jamais lu de hard-SF auparavant et ayant eu des échos de son exigence à la fois sur le fond que sur la forme puisque le roman utilise un langage évolué par rapport au notre. En effet, Anatèm est un récit futuriste qui se déroule sur une planète nommée Arbre où l’on va suivre Fraa Erasmas, un personnage appartenant à une sorte de monastère complètement clos vis-à-vis du monde extérieur et dont l’ouverture ne se fait qu’une fois tous les 10 ans. Dans ce genre d’institut sont regroupés des « savants » (classés sous différents grades) qui réalisent toutes sortent de recherches autant scientifiques que philosophiques. L’univers est ici résumé très grossièrement, mais vous découvrirez en lisant ce roman un monde infiniment plus riche et complexe que ce que j’ai pu décrire.

En plus de la richesse de l’univers, l’auteur a adapté son langage à un monde futuriste. Certains mots ont ainsi évolué et on retrouve donc des termes comme aperte, mystagogue ou encore proc disséminés tout au long du récit. Si j’avais peur que cela soit trop complexe, j’avais tort puisque les termes sont facilement compréhensibles grâce à leur étymologie ou grâce au contexte de la phrase. Des passages du dictionnaire sont également intégrés dans le texte pour nous donner la définition de certains termes et l’évolution de ceux-ci à travers les civilisations. Bon, il faut avouer que les définitions sont loin d’être évidentes à bien comprendre, mais finalement ça devient plus un jeu d’essayer de deviner la signification des différents termes et ça contribue à la richesse incroyable de l’univers. Ainsi en plus de construire son intrigue, l’auteur a imaginé un monde de manière complète avec une véritable histoire s’étendant sur des milliers d’année et forcément une langue qui évolue sur tout ce laps de temps. Finalement pas d’inquiétude à avoir, les termes inventés ne sont pas si nombreux que ça et, plus le récit avance, moins il y en a de nouveaux. En étant bien concentré au début du roman, on se fait donc très vite aux différents néologismes. 

Si le vocabulaire représente donc plus un jeu qu’une difficulté majeure, Anatèm n’en reste pas moins un récit très dense abordant des aspects scientifiques et philosophiques assez poussés. Cependant, on ressent la volonté de l’auteur d’écrire un roman abordable par le plus grand nombre. On est loin d’un pur exercice de style tant Neal Stephenson a travaillé son écriture pour la rendre la plus fluide et agréable possible. Pour tout dire, j’ai dévoré quasiment d’un coup les 200 premières pages du roman qui sont pourtant les plus compliquées, car les véritables enjeux du récit n’y sont pas encore vraiment dévoilés. 

Une intrigue d’une dimension incroyable

L’un des énormes points forts de ce roman sont ses personnages qui sont extrêmement convaincants. Même s’ils sont dotés d’une intelligence bien supérieure au commun des mortels et possèdent d’incroyables facultés de déduction et de réflexion, ils restent des personnages humains et maladroits. Ils ne savent pas toujours quelles réactions adopter dans un environnement social, ce qui finalement casse la distance qui pourrait s’installer entre eux et le lecteur. Ce sont finalement des personnages très crédibles avec tous leur propre personnalité et leurs aspirations et on prend beaucoup de plaisir à les suivre. Il est également agréable que le personnage principal Fraa Erasmas ne soit pas un personnage qui se détache particulièrement du lot. Il n’est pas un élu et ne possède pas de capacités extraordinaires vis-à-vis des autres personnages. C’est un personnage ordinaire dans le contexte du récit, ce qui contribue à rendre le réalisme du récit particulièrement saisissant. 

En ce qui concerne l’intrigue, elle est découpée en deux grandes parties dans ce premier tome. La première partie se déroule à l’intérieur du monastère et est donc particulièrement riche en descriptions et en réflexions philosophiques et scientifiques. Il faut donc s’accrocher un peu avant de voir les véritables enjeux arriver, mais lorsque ceux-ci commencent à s’éclaircir, le roman prend une nouvelle dimension encore plus énorme. Mais il faut être patient, car l’auteur ménage très bien son suspense et les révélations ne se font qu’au compte-gouttes ! La deuxième partie est un récit de voyage un peu plus classique. Il y a plus d’actions et moins de réflexions philosophiques, même si j’en ai noté une particulièrement passionnante en ce qui concerne les religions. C’est d’ailleurs un sujet très intéressant dans ce livre puisque finalement les chercheurs de ce monde vivent repliés de la civilisation extérieure à la manière de religieux. Le roman met donc en perspective pas mal de choses très intéressantes sur la manière d’aborder les sciences et la religion.

Je dois quand même avouer que j’ai un peu moins apprécié la deuxième partie. J’ai été passionnée par les réflexions entamées dans la première partie et je ne suis personnellement pas une grande fan de récits de voyage. Cependant, c’est très personnel et je pense que chaque lecteur pourra s’y retrouver en fonction de ce à quoi il est le plus sensible, à conditions bien sûr d’aimer les romans assez lents et exigeants dans lesquels il faut accepter de ne pas tout comprendre tout de suite ! De plus, la fin de ce premier tome est frustrante, puisqu’on sent bien que le roman a été coupé en plein milieu de l’intrigue et il faut donc être prêt à lire la suite sans trop tarder !


Conclusion


Anatèm est un roman complexe autant dans le fond que dans la forme. La première partie du récit est très riche en néologismes et en réflexions philosophiques et scientifiques poussées qui font de ce roman une expérience de lecture unique et passionnante, mais assez exigeante. La plume de Neal Stephenson est extrêmement fluide et agréable et l’univers qu’il a construit possède une dimension incroyable. L’intrigue n’est pas en reste, mais il faut être patient, car ses enjeux ne sont dévoilés que petit à petit et ne sont que peu éclaircis à la fin de ce premier tome. Cependant, l’intrigue est portée par des personnages attachants et crédibles et gagne en dynamisme à mesure que le récit avance. 

tb lecture

9 réflexions sur “[Chronique] [anatèm] – tome 1, de Neal Stephenson

  1. Baroona 23 février 2020 / 19 h 08 min

    Tu as directement enchaîné sur la suite du coup ? ^^
    Il faut que je le tente. J’essaye de me convaincre que ça sera pour 2020, mais bon, faut que je me motive à ne lire que ça pendant un bout de temps… ^^’ En tout cas c’est toujours rassurant de voir quelqu’un qui en avait peur l’apprécier.

    Aimé par 1 personne

    • Sometimes a book 23 février 2020 / 22 h 06 min

      Non malheureusement je n’avais pas la suite. Il va falloir que je me la procure rapidement !
      Oui il y a plusieurs personnes qui ont un peu peur de se lancer donc je comprends que ça soit rassurant, mais c’est vrai qu’il faut se préparer à rester longtemps dans cet univers, c’est pas évident !

      J’aime

Laisser un commentaire