[Chronique] L’alchimie de la pierre, de Ekaterina Sedia

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« Mattie essaya d’imaginer à quoi cela ressemblait, d’avoir en soi l’âme de quelqu’un d’autre comme un petit poisson argenté, vif et furtif, qu’on pouvait laisser nager au creux de sa paume pleine d’eau, mais qu’il ne fallait pas saisir, sous peine de le meurtrir sur le plan physique et mental. »


 
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L’alchimie de la pierre
Autrice 
: Ekaterina Sedia
Traducteur : Pierre-Paul Durastanti
Illustration : Benjamin Carré
Éditeur : Le Bélial’ / Pocket
Genre : Steampunk
Date de parution : 17 février 2017
Nombre de pages : 316
Prix : 7,90 €
Synopsis
Soit une ville immense, sombre et secrète, fondée par un peuple minéral plus secret encore — les gargouilles. De mémoire d’homme, les guildes rivales des Alchimistes et des Mécaniciens s’y livrent une lutte d’influence acharnée. Or les Mécaniciens semblent enfin en passe de l’emporter, prêts à imposer sur la cité un ordre nouveau, brutal.
Automate douée de conscience, unique en son genre, Mattie est la création d’un Mécanicien ambigu. Bien qu’émancipée, elle peine à se libérer de l’emprise de son ancien maître, une ombre qui ne l’a pas empêchée, malgré tout, d’embrasser la carrière d’alchimiste. Les gargouilles l’ont chargée d’une mission cruciale : trouver un remède au mal qui les frappe, une inexorable pétrification. Mission que compliquent des événements tragiques : des attentats frappent la ville, tandis que dans ses entrailles couvent les ferments de la révolution…

MON avis

Tout d’abord, je tiens à remercier les éditions Pocket pour ce service de presse !

L’alchimie de la pierre est un roman aux allures steampunk qui prend place dans une ville en pleine industrialisation dans laquelle les automates tendent à remplacer le travail humain. Dans ce contexte, deux grandes catégories socio-professionnelles s’affrontent : les mécaniciens qui construisent et réparent les automates et les alchimistes qui soignent les humains. 

Le roman va suivre Mattie, une automate dotée de capacités sensorielles extraordinaires qui a fait le choix de s’émanciper et de devenir alchimiste. Grâce à ce personnage, on va pourvoir suivre en parallèle les deux grandes sphères de la ville, celle des mécaniciens et celle des alchimistes, et assister à une lutte de classe acharnée. Outre cette lutte de classe, ce roman aborde, grâce au personnage de Mattie, de nombreuses autres thématiques, à commencer par la condition de la femme. Ce roman, profondément féministe met en avant des femmes fortes et indépendantes. Malgré sa condition d’automate, Mattie se considère entièrement comme une femme et son émancipation est au cœur du récit. En effet, malgré son apparente liberté, elle reste en réalité fortement liée à son créateur et ne parvint pas à se libérer de son influence. La relation ambiguë et malsaine entre le créateur et l’automate est l’un des aspects que j’ai trouvé le plus réussi dans ce récit. Les personnages et leurs relations sont profondément humains. Même Mattie, qui est pourtant un automate, dégage une humanité incroyable, si bien qu’elle est parfois assez difficile à appréhender. La construction de ce personnage est réalisée avec énormément de finesse de la part de l’autrice et la relation qu’elle entretien avec son créateur dégage une émotion de douce amertume que l’on ressent de plus en plus au cours du récit. 

La plume d’Ekaterina Sedia est poétique et bien dosée. Dès les premières pages, j’ai aimé l’ambiance qui se dégageait du récit. Cette ambiance un peu brumeuse sur laquelle plane l’ombre d’étranges créatures qualifiées de gargouilles et fondatrices de la cité.  L’ombre des gargouilles suit Mattie dans ses pérégrinations comme une ombre à la fois distante et protectrice. J’aurais aimé que l’intrigue liée aux gargouilles soient un peu plus développés, mais L’alchimie de la pierre n’est pas vraiment un roman où l’intrigue est prédominante. Il faudrait plutôt le voir comme un roman qui confrontent plusieurs niveaux de lecture vis à vis des messages qui sont portés et dans lequel il faut réussir à lire entre les lignes. Outre le personnage fascinant de Mattie et les problèmes liés à sa condition de femme et d’automate, les messages autour de la lutte de classes et du remplacement de l’humain par la machine sont également au centre de ce récit. Quelle que soit le niveau abordé, un même sentiment d’impuissance relie les différentes sous-intrigues. Ce n’est pas un roman joyeux ni porteur d’espoir, mais il est sobre et extrêmement réaliste. Ekaterina Sedia ne se veut pas porteuse de fausses promesses de changement et de mondes meilleurs. Elle ne fait finalement que décrire qu’une période de révoltes inévitables qui ne mènera peut-être à rien, à nous d’en juger. Heureusement la plume poétique d’Ekaterina Sedia vient contrebalancer le désespoir que peut inspirer ce récit et fonctionne très bien avec le sentiment d’amertume que peuvent ressentir les personnages. 


Conclusion


L’alchimie de la pierre est un roman steampunk complexe qui décrit à travers de nombreuses thématiques toute l’amertume que peut ressentir un peuple face à différentes problématiques. Avec une plume poétique et très juste, l’autrice réussit à construire un personnage principal ambigu puisqu’extrêmement humain malgré sa condition d’automate. Son statut de femme et d’automate dans cette société et la relation qui la relie à son créateur sont extrêmement bien traités et malgré une intrigue que j’ai trouvée un peu faible, les messages portés par le roman valent la peine de le découvrir.

bonne lecture

5 réflexions sur “[Chronique] L’alchimie de la pierre, de Ekaterina Sedia

  1. OmbreBones 11 décembre 2019 / 12 h 27 min

    Belle chronique ! C’est vrai que l’intrigue ne brille pas par son originalité ou sa complexité, je pense que c’est un roman construit pour une autre raison comme tu le soulignes si bien.

    Aimé par 1 personne

  2. Elhyandra 20 décembre 2019 / 19 h 55 min

    Il faisait partie de mon repérage de la rentrée littéraire, je n’ai toujours pas été l’acheter mais ça se fera ^^

    Aimé par 1 personne

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