[Chronique] Les griffes et les crocs, de Jo Walton

les griffes et les crocs
« Considérer avec bienveillance tous les événements de sa vie lui permettrait d’atteindre une certaine forme de sérénité. Une tâche ardue, pour laquelle les ailes et le feu ne lui seraient plus d’aucun secours. »


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Les griffes et les crocs
Autrice : Jo Walton
Traduction : Florence Dolisi
Illustration : Alex Tuis

Genre : Fantasy
Année de parution française : 21 septembre 2017
Nombre de pages : 469
Prix : 8,40 € (poche)
Synopsis
Bon Agornin a eu une longue et belle vie, mais sa fin est proche, il le sent. Étendu près de son trésor, il attend la mort. Toute sa famille est réunie pour vivre avec lui ses derniers instants : ses deux fils et ses trois filles, ainsi que son gendre, l’Illustre Daverak qui héritera de son domaine.
Bon Agornin tient absolument à se confesser à son fils aîné, il veut partir absous de ses péchés, d’autant que ceux-ci sont immenses : afin de pouvoir devenir un dragon de soixante-dix pieds de long, capable de voler et de cracher du feu, il a dévoré son frère et sa sœur – les carcasses de bœuf ne suffisent pas pour mener à bien une telle entreprise…
« Je n’ai pas eu le choix », se justifie-t-il, dans son dernier souffle. Avant d’être dévoré à son tour par ses héritiers, comme le veut la tradition chez les dragons
MON avis
Les griffes et les crocs est un roman de fantasy écrit par l’autrice britannique Jo Walton et publié en 2003. Il a reçu le prix World Fantasy du meilleur roman 2004, mais il a fallu attendre 2017 pour que les éditions Denoël proposent ce texte au public français.
Avec Les griffes et les crocs, Jo Walton propose une retranscription de la société victorienne à la sauce fantasy dans le sens où les humains sont ici remplacés par des dragons. Elle délivre ainsi une réflexion sur cette société à travers un prisme un peu différent des classiques de l’époque ou des romances historiques comme on en trouve beaucoup que ce soit en littérature ou à l’écran. Car Les griffes et les crocs reprend ce type d’intrigue, nous immergeant au sein d’une grande famille de dragons et suivant la vie des différents frères et sœurs. Ainsi, le roman débute à la mort de Bon Agornin, un décès qui va entraîner tout un tas de bouleversement au sein de sa famille. La question du mariage des deux cadettes et de leur maigre dot va être au centre du récit, tout comme les questions de religion et d’héritage.
Les thématiques abordées dans ce roman et le déroulé de l’intrigue en lui-même n’est donc pas d’une grande originalité. L’intérêt de ce titre porte beaucoup sur l’utilisation de la figure du dragon qui apporte en elle-même des traditions un peu différentes des nôtres. Ainsi ces dragons possèdent des coutumes assez étranges pour nous, notamment celle de se nourrir des plus faibles et de faire cadeau de son corps comme héritage à sa mort. Ce cannibalisme très ancré dans cette société est aussi un marqueur de sa classe sociale : les dragons se nourrissent des plus faibles pour eux-mêmes devenir plus grands et plus forts et avoir une chance de s’élever socialement. La couleur des dragons est également un marqueur important qui indique la puissance, mais aussi la domination masculine. Ainsi les femelles changent de couleur lorsqu’elles sont promises à un mâle et que celui-ci les a touchées. Jo Walton déploie un rapport de force assez bien pensé et très révélateur des relations hommes-femmes. Ainsi il suffit à un mâle de s’approcher un peu trop d’une femelle pour que celle-ci lui soit promise sans qu’elle n’ait plus son mot à dire. Ce sont ainsi les éléments les plus marquants de ce qu’apporte l’utilisation des dragons dans le récit. Sur les autres points, ils sont extrêmement humanisés, à tel point qu’on pourrait presque oublier qu’il s’agit de dragons. Les amateurs de fantasy pure pourront ainsi rester sur leur faim, l’autrice n’utilisant pas le dragon à des fins imaginaires, mais pour contrebalancer certains clichés des romans victoriens.
Les griffes et les crocs a donc été pour moi une assez bonne lecture. La plume de Jo Walton est très fluide, délicate et agréable à lire, et l’intrigue est efficace, même si elle manque de surprise. Le fait d’avoir cet ancrage historique fait que le roman n’est jamais déroutant, mis à part peut-être le début et les histoires de cannibalisme qui peuvent surprendre. Néanmoins, on s’immerge assez vite dans la culture de ces dragons et on s’attache aisément à cette petite famille dont on suit le quotidien. Le ton reste globalement assez léger, même si certains drames de la vie surviennent, j’ai trouvé que les personnages s’en sortaient toujours assez bien, un peu trop même. J’ai un goût un peu plus prononcé pour les histoires plus tragiques, mais c’est personnel. Les griffes et les crocs est un roman léger qui devrait vous plaire si vous aimez les récits sentimentaux ou historiques de la période victorienne et que vous n’êtes pas trop perturbés par le fait que des dragons puissent remplacer les humains !
Bonne lecture

6 réflexions sur “[Chronique] Les griffes et les crocs, de Jo Walton

  1. tampopo24 4 juin 2022 / 8 h 11 min

    Un Jo Walton qui a encore de solides arguments pour me plaire entre cette société victorienne revisitée, le thème du canibalisme et comme toujours sa plume délicate, même l’humour que je n’attendais pas forcément ici doit avoir une saveur particulière. Il va falloir que je le sorte de ma pal ^^

    Aimé par 1 personne

  2. OmbreBones 5 juin 2022 / 16 h 25 min

    J’avais apprécié cette lecture originale par son principe mais assez classique sur l’intrigue et le reste comme tu l’expliques très bien ! Merci pour le lien 🙂

    Aimé par 2 personnes

  3. Ma Lecturothèque 22 juin 2022 / 7 h 49 min

    J’ai franchement bien aimé cette lecture (et j’adore la plume de Walton). Ca se finit peut-être un peu trop bien, mais probablement parce que c’est un pur roman victorien, version fantasy et dragons 🔥 Ca m’a donné envie de lire les livres de Jane Austen, que je ne connais que superficiellement, mais je ne m’y suis finalement jamais mise – les dragons et leur société m’ont tellement plu ! Je crains que le reste ne me paraisse fade…

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