[Chronique] Le maître, de Claire North

Le maître

De nos jours. Ici, ailleurs et partout.
Le haut joueur connu sous le surnom d’Argent a défié la Maîtresse des Jeux elle-même : le temps du Grand Jeu est advenu, et comparé à lui, tous les autres sont désormais dérisoires. Le monde entier s’en trouve réduit aux dimensions d’un échiquier, avec en guise de pièces des groupes mafieux, des armées officielles, des gouvernements, des nations…  Et pour prix de cette partie sans égale, la réponse à la question qui les contient toutes : à qui échoira la Maison des Jeux ? 

MON avis

Le grand final de La maison des jeux est arrivé et c’est Argent, personnage croisé dans les deux premiers tomes qui va porter le dernier coup. Cela fait des années qu’Argent récupère habilement des pions dans l’attente qu’ils soient assez nombreux et forts pour atteindre son objectif, celui de défier la Maîtresse des Jeux. Dans ce jeu d’échec grandeur nature dans lequel le plateau n’est autre que la planète entière, Argent va s’engager dans un combat sans merci où tous les coups sont permis afin de détrôner la Maîtresse des Jeux… Et pourquoi pas de prendre sa place ?

Dernier tome de la trilogie de La maison des jeux, Le maître nous emmène dans un combat plus brutal. On est loin de la finesse stratégique du premier tome. La partie qui se joue est celle d’une vie entière et tous les sacrifices sont tolérés. Le récit se compose donc d’une très grande successions de coups qui s’enchaînent sans relâche et qui émanent pour la plupart de la maîtresse des jeux. Argent s’en tire toujours in extremis grâce aux pièces qu’il a placées, pièces qui peuvent être n’importe qui. Les deux joueurs utilisent des nations entières pour parvenir à leur fin. Déclencher des guerres mondiales, briser l’économie de pays, renverser les pouvoirs en place… Tout est possible et les conséquences du jeu n’ont plus d’importance. Argent et la Maîtresse des Jeux se sont enfoncés trop loin dans ce jeu où l’humanité n’a plus sa place.

Ainsi ce dernier tome nous place dans une positon terrifiante où la vie hors du jeu n’a plus de sens. Les morts s’enchaînent si vite qu’ils ne semblent être qu’un grain de sable sur l’échiquier. Il ne reste plus rien d’autre que l’obsession et le sentiment d’absurdité qui domine en contemplant le désastre que deux joueurs qui s’affrontent tels des dieux peuvent entraîner. En tant que lecteur qui assistons au récit du point de vue d’Argent, on ne peut que se sentir tout petit face aux forces démentielles qui sont déchaînées et qui nous rappellent à quel point nous ne sommes rien. Même les joueurs rencontrés dans les tomes précédents sont des pions disposés dans l’un des deux camps et utilisés sur l’échiquier. 

« Venez, rois et généraux, prêtres et empereurs, vous grands industriels et vous femmes de lettres, venez à la Maison des Jeux. Venez vous disputer la maîtrise d’une ville la conquête d’un pays, la richesse d’une civilisation, l’histoire d’un palais, des secrets d’espions et des trésors de voleurs. Notre échiquier est ici un quadrillage posé sur la Terre ; un coup de dés et des inconnus meurent ; des cartes s’abattent, le denier tourne, tourne, tourne et, quand nous aurons terminé, des armées seront décimées, le niveau des océans aura monté, et nous aurons gagné, nous vivrons ou bien nous aurons perdu, nous mourrons. Car la Maison des Jeux ne connaît pas de mise mesquine : on y joue la vie, le temps et l’âme. » 

Si Claire North réussit avec brio et de manière plus que percutante à démontrer notre insignifiance, cette succession de coups qui ne s’arrêtent jamais et qui sont réalisés avec brutalité et sans finesse donne un effet de trop. Je dois avouer que je préfère les coups plus subtils et réfléchis comme l’étaient ceux du premier tome. Le récit tend donc pour moi l’essoufflement jusqu’au grand affrontement final que j’ai trouvé magistral.

Les dernières pages présentent le face à face entre Argent et La Maitresse des jeux. Les deux joueurs s’affrontent dans une joute verbale où Argent se retrouve obligé de lutter entre ses sentiments et le jeu, entre l’amour et le pouvoir, entre la raison et la liberté. Cette fin cruelle met une nouvelle fois en exergue l’absurdité du jeu, elle questionne sur le but de l’existence et le prix à payer pour gagner. Comme toujours Claire North nous propose donc un final brillant, mais un final également frustrant qui laisse beaucoup de portes ouvertes et me donne l’espoir qu’elle retourne un jour explorer cet univers. 

très bonne lecture

D’autres avis : Le MakiYuyineOmbrebonesOutre Livres –  LutinL’épaule d’Orion – Céline Danaé – AnudarLe syndrome QuicksonXapur

Dans la même série : Le SerpentLe Voleur


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La maison des jeux, tome 3 : Le maître
Autrice :
Claire North
Traduction : Michel Pagel
Couverture : Aurélien Police
Maisons d’édition :  Le Belial’
Genre : Fantasy
Publication française :  19 janvier 2023
Nombre de pages : 159 pages 
Prix : 10,90 € (broché) / 5,99 € (numérique)
 
 

5 réflexions sur “[Chronique] Le maître, de Claire North

  1. Jean-Yves 24 février 2024 / 14 h 06 min

    C’est tellement difficile de finir un cycle, surtout quand les premiers sont tellement réussis et les enjeux de l’histoire si hauts 😅
    Je n’ose pas encore le lire, trop peur d’être déçu…

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