[Chronique] Carne, de Julia Richard #PLIB2020

 
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Carne

« J’attrape mon téléphone au fond de ma poche. J’ai les doigts noirs d’hémoglobine, mais tant pis. Pas d’appel en absence. Ma femme et mon fils dorment, et j’ai un cadavre sur les bras. La ville entière roupille pendant que je vais devoir me débarrasser du corps. La totalité du pays pionce, et je l’ai planqué dans un buisson en attendant de creuser une tombe. C’est dingue. Et je vais même pas pouvoir le raconter à mes collègues demain. »


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Carne
Autrice :
Julia Richard
Illustration : François-Xavier Pavion
Éditeur : L’homme sans nom
Genre : Science-fiction
Date de parution : 18 juin 2020
Nombre de pages : 319
Prix : 19,90 €
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#ISBN9782918541707
 
Synopsis
Simon ne va pas bien. D’ailleurs, depuis qu’il s’est mis à vouloir manger de l’humain, les choses ne tournent pas bien rond dans sa tête. Face à une société qui les traite, lui et ses congénères, comme des zombies, il fait de son mieux pour garder sa dignité, s’occuper de sa famille et être professionnel au bureau. Mais comment rester soi-même quand la faim frappe à la porte avec autant de délicatesse qu’un tank sur un champ de mines ?
Contraint à gérer son état parasite en maintenant l’illusion de la routine, il décide d’en faire une histoire de famille. Et vous savez ce qu’on dit sur les histoires de famille ?
C’est toujours un sacré bordel.

MON avis

Une narration originale

Carne nous emmène dans la tête de Simon, un père de famille sans histoire qui, du jour au lendemain, va contracter une étrange infection lui donnant un appétit incompressible pour la viande humaine. Ainsi Julia Richard revisite le mythe du zombie dans un récit glaçant. Car, si les zombies qu’on trouve habituellement dans les romans de science-fiction ne sont que des créatures dénuées de toutes pensées ou réflexions, ici le processus de zombification n’affecte pas vraiment l’état cognitif des personnes atteintes. En tant que lecteur, on se retrouve aux premières loges de la descente aux enfers de Simon. On est spectateur de ses plus intimes pensées, des pulsions cannibales qu’il ne peut réfréner, ce qui rend ce récit particulièrement marquant. 

Si l’intrigue en elle-même est extrêmement classique dans son déroulé et ne révolutionne pas les romans de zombies/cannibales, son intérêt vient surtout de sa narration. L’arrivée des pulsions cannibales s’accompagnent pour Simon d’un état extrêmement troublé (on peut le comprendre) et de nombreuses pertes de mémoire. Pour mieux représenter la confusion de Simon, l’autrice a choisi de narrer les chapitres dans le désordre. On passe ainsi du chapitre – 6 au chapitre 21, par exemple. Le début de la lecture n’est ainsi pas aisé, mais l’autrice a très bien géré l’ordre de ses chapitres pour que l’histoire garde un sens. De plus, ces chapitres dans le désordre fonctionnent extrêmement pour montrer le trouble de Simon, qui en devient d’autant plus réaliste. Lorsque les idées du personnage recommencent à trouver un sens, les chapitres reprennent un ordre normal et la plupart des éléments se remettent en place. Il faut avouer que cette narration était un gros défi de la part de l’autrice et cela fonctionne plutôt bien même si j’ai eu l’impression que certaines choses n’avaient pas vraiment de sens et certaines explications manquaient dans la suite du récit. 

Un roman dénonciateur

Julia Richard se sert de cette histoire de cannibalisme pour dénoncer énormément de choses avec sa plume piquante et remplie d’humour noir. Le ton du roman est très particulier puisque l’histoire qui est assez violente et sanglante est écrite avec beaucoup de détachement et de cynisme. Le roman est rempli de blagues irrévérencieuses, de punchlines et de passages assez trash, et nous offre ainsi très peu de moments de répit. Si j’ai aimé ce cynisme qui est pour moi indispensable pour traiter ce genre de sujet et ai apprécié cette critique de la société, je me suis parfois un peu lassée de cet humour constant. Certains traits d’humour fonctionnent à merveille, mais le tout répété tout au long du récit a parfois été un peu lourd pour moi. Néanmoins, on peut saluer le parti-pris de l’autrice et le gros travail d’écriture qu’elle a dû fournir et qui donne vraiment un côté piquant et original à cette lecture. 

Des thématiques qui ne m’ont pas forcément plu

Comme je le disais Carne est un roman dénonciateur qui n’a pas peur du politiquement incorrect et qui en joue énormément. C’est un roman qui ose affronter certains tabous et je dois avouer que certaines thématiques m’ont mis assez mal à l’aise. Si l’humour réussira peut-être à aider certains lecteurs à passer outre ces thématiques et le côté trash du récit, cela n’a pas été suffisant avec moi. Malheureusement donc si je reconnais les nombreux points positifs de ce récit, j’ai ressenti beaucoup de malaise durant ma lecture et l’expérience n’a donc pas été entièrement positive. Le malaise lié à certaines situations et notamment la relation que développe ce père de famille avec sa fille, ont malheureusement atténué le plaisir de lecture. 


Conclusion


Carne revisite le mythe du zombie et nous fait vivre ce processus de « zombification » en nous mettant directement dans les pensées du personnage principal. La grande confusion du personnage face à ce qui lui arrive se traduit par des chapitres narrés dans le désordre. Ce processus apporte beaucoup à cette intrigue finalement assez classique et est bien maîtrisé par l’autrice. Mais cette histoire de zombie est avant tout une critique sociale conté avec énormément de cynisme et un côté très irrévérencieux et politiquement incorrect. Le tout est assez trash et violent et mieux vaut donc être averti avant de s’engager dans cette lecture. Si j’ai aimé la critique sociale, cet humour constant m’a semblée parfois un peu lourd et certaines thématiques abordées m’ont mises trop mal à l’aise pour pouvoir pleinement apprécier cette lecture. 

avis mitigé

D’autres avis : SaiwhisperYuyineLes pipelettes en parlentLimaginariaLe bibliocosme – ? 

 

4 réflexions sur “[Chronique] Carne, de Julia Richard #PLIB2020

  1. lespagesquitournent 5 décembre 2020 / 9 h 46 min

    Jolie photo !
    Une critique bien argumentée. Comme toi, j’ai apprécié la critique sociale derrière le roman. De plus, je comprends ton ressenti face à certaines thématiques : j’avoue que quelques passages incestueux, par exemple, m’ont mise très mal à l’aise. C’était glauque ! (Mais finalement cohérent avec l’ambiance du livre.) En tout cas, c’est un roman Z qui sort des sentiers battus.^^ Merci du lien !

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  2. Lutin82 5 décembre 2020 / 20 h 47 min

    Trop violent pour ma petite personne. Merci de ce retour car j’étais intriguée.

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