[Chronique] Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski

Gagner la guerre
 
« Je me suis fait avoir. Je suis devenu un héros. Il faut dire que j’ai pas fait dans la dentelle, et que j’ai payé assez cher mes laurier. Du coup, on a brodé un paquet de contes sur mon dos ; et dans un sens ça se comprend. C’est le genre d’évènement qui répand un long frisson de frousse le long des artères de la ville et qui marque durablement les cervelles… »


gagner la guerre
 
Gagner la guerre 
Auteur :
Jean-Philippe Jaworski
Éditeur : Les moutons électriques / FolioSF
Genre : Fantasy
Date de parution française : 5 mars 2009
Nombre de pages : 992 (poche)
Prix : 12,50 €
 
Synopsis
Au bout de dix heures de combat, quand j’ai vu la flotte du Chah flamber d’un bout à l’autre de l’horizon, je me suis dit : « Benvenuto, mon fagot, t’as encore tiré tes os d’un rude merdier. » Sous le commandement de mon patron, le podestat Leonide Ducatore, les galères de la République de Ciudalia venaient d’écraser les escadres du Sublime Souverain de Ressine. La victoire était arrachée, et je croyais que le gros de la tourmente était passé. Je me gourais sévère. Gagner une guerre, c’est bien joli, mais quand il faut partager le butin entre les vainqueurs, et quand ces triomphateurs sont des nobles pourris d’orgueil et d’ambition, le coup de grâce infligé à l’ennemi n’est qu’un amuse-gueule. C’est la curée qui commence. On en vient à regretter les bonnes vieilles batailles rangées et les tueries codifiées selon l’art militaire. Désormais, pour rafler le pactole, c’est au sein de la famille qu’on sort les couteaux. Et il se trouve que les couteaux, justement, c’est plutôt mon rayon…
MON avis
Comme tout amateur de fantasy, j’entendais depuis des années parler de Jean-Philippe Jaworski souvent de manière extrêmement élogieuse et parfois en plus mitigé. J’ai enfin pu me faire mon propre avis sur Gagner la guerre et je ne regrette pas m’être engagée dans cette aventure de presque 1000 pages !
 

Un style et un personnage principal qui marquent 

 
Ce qui frappe dès les premières pages de ce récit c’est d’abord le style d’écriture à la fois très travaillé, mais aussi très oral. Le roman est écrit à la manière des mémoires rédigées par le personnage principal lui-même, Benvenuto. Il s’adresse donc parfois directement au lecteur et agrémente le récit de ses commentaires. Langage fleuri se mêle avec un vocabulaire recherché et beaucoup de figures de style. On pourrait reconnaître l’écriture de Jean-Philippe Jaworski tant elle possède un caractère unique et très personnel. J’ai personnellement accroché dès le départ à ce style d’écriture qui permet de rendre la lecture très fluide sans pour autant appauvrir le texte. Je dois dire que je suis également très friande des récits à la première personne qui interpelle directement le lecteur. C’est d’ailleurs très malin de la part de Jaworski d’avoir utilisé le procédé, puisqu’il créé ainsi une grande proximité entre le lecteur et Benvenuto, ce qui rend ce personnage plus attachant et plus agréable. Il faut dire que Benvenuto est un anti-héros par excellence, c’est un assassin professionnel qui possède forcément la moralité qui va de pair avec son métier. J’avais beaucoup entendu parler de ce personnage avant même de lire ce roman et je m’étais préparé à le détester, ce qui n’a absolument pas été le cas. J’ai au contraire trouvé ce personnage bien plus nuancé que ce à quoi je m’attendais. Benvenuto est un pion dans les mains de personnages plus puissants et il ne fait finalement que servir leurs intérêts en commentant les méfaits qu’on lui ordonne. Cela ne l’excuse bien sûr pas pour autant et il aurait pu être décrit comme totalement immoral, dénué de tout sentiment, mais au contraire, l’auteur ne tombe pas dans ce piège et nous montre ses failles et son humanité qui sont bien présentes sous la couche de crasse ! J’ai adoré suivre ce personnage haut en couleur dans des aventures rocambolesques, Benvenuto ayant un sacré don pour s’attirer dans des situations périlleuses, j’ai d’ailleurs rarement vu le héros d’un récit être aussi malmené et ce, dès les premières pages ! 
 
« Si vous avez lu ce récit jusqu’à cette page, c’est que vous êtes d’une notable inconscience. Vous devez donc appartenir au fretin des fouineurs et des indiscrets, à ces étourneaux qui ne résistent pas à un fumet de ragots et de linge sale. Tant pis pour vous. Avec ce que vous avez appris, vous y êtes déjà, dans les draps où je me suis roulé, tout poissé de sang, de mensonge et de trahison ».
 

Une intrigue intelligente mais non dénuée de longueurs

Le roman démarre très fort au cours d’un périple sur les mers qui met dès les premières pages Benvenuto en bien mauvaise posture. Entre son mal de mer et la mission périlleuse d’ambassadeur qu’on lui a confiée et qui tourne assez mal, c’est un Benvenuto bien diminué que l’on découvre. Les 400 premières pages du récit sont excellentes, remplies d’action, d’intrigues et de jeux politiques, de scènes de combat très bien retranscrites et d’un peu d’humour. On ne lâche que difficilement le roman dans ces 400 premières pages qui nous en apprennent beaucoup sur le fonctionnement de l’univers et des personnages. On suit donc Benvenuto lors de sa mission en pays ennemi puis son retour à la fois triomphal et désastreux dans sa ville d’origine, Ciudalia où il retrouve son patron Leonide Ducatore, chef de la République de Ciudalia. On y découvre un univers faisant délicieusement penser à l’Italie de la Renaissance. Si on ne comprend pas tous enjeux lors de la mission d’ambassadeur de Benvenuto, son retour à Ciudalia démêle les fils d’une intrigue politique complexe rendant les passages se déroulant dans la cité passionnants. 

Mais les choses vont tellement s’envenimer que Benvenuto va être obligé de quitter de Ciudalia. Commence alors la partie du roman que j’ai un peu moins aimée, car le rythme change du tout au tout et elle comporte d’énormes longueurs. Les tribulations du personnage principal auraient pu être largement raccourcies en étalant un peu moins les états d’âme de celui-ci. Cette partie reste cependant intéressante puisqu’elle met en avant une pointe de magie très bien pensée et qui reste en petites touches s’intégrant parfaitement bien à l’univers. Et si le rythme de ce milieu de roman nous proposait un petit répit, il repart bien heureusement en force dans les 200 dernières pages. On retrouve avec grand plaisir le Benvenuto du début, les manigances repartent de plus belle nous offrant de très beaux retournements de situation. Ainsi, l’intrigue réussi de nouveau à surprendre et offre une fin haute en couleur à la hauteur de cette grande aventure et de son personnage principal. 


En bref


J’ai adoré découvrir la plume piquante de Jean-Philippe Jaworski et suivre son personnage principal, anti-héros par excellence dans ses aventures rocambolesques. Le récit s’ouvre sur des scènes de batailles navales extrêmement bien retranscrites. Les 400 premières s’enchaînent sans qu’on puisse reprendre son souffle offrant de l’humour, des scènes épiques et des intrigues politiques complexes. Les personnages et surtout le héros Benvenuto est très bien construit avec de la nuance. Malgré son statut d’assassin et son sens moral assez douteux, on s’attache à ce personnage plein de fougue, à la langue bien pendue. Le personnage s’adresse directement au lecteur dans un langage aussi fleuri que riche rendant le style savoureux. Gagner la guerre souffre tout de même de grosses longueurs en milieu de récit et de peu de personnages féminins intéressants, mais est un récit extrêmement riche et complexe offrant de belles surprises et une fin digne de toute cette aventure. 
 
TB lecture
 

 
 
 

12 réflexions sur “[Chronique] Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski

  1. tampopo24 11 décembre 2021 / 9 h 08 min

    Merci pour cette jolie chronique qui a ravivé mes souvenirs de lecture.
    J’ai aussi adoré le style et la gouaille de l’auteur mais je reconnais qu’il y. A des longueurs et qu’on cherche les personnages féminins.
    J’ai cependant poursuivi avec Janua verra (pas sûre du titre.. c’est l’autre récit du vieux royaume) qui a les mêmes qualités et défauts. Et j’attends la fin de Chasse royale pour m’y lancer 😄

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    • Sometimes a book 11 décembre 2021 / 21 h 29 min

      J’hésite encore à lire Janua Verra, mais j’ai le premier tome de Chasse royale dans ma pile à lire, donc c’est sûr que je vais continuer à découvrir cet auteur 😍

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      • tampopo24 11 décembre 2021 / 21 h 30 min

        C’est une plume chaleureuse qu’on a envie de retrouver à un moment donné même si on fait des pauses entre.

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  2. Jean-Yves 11 décembre 2021 / 9 h 10 min

    Je souscris à 100%. Mais pour cette plume, je pardonne énormément. Il faudra que je me décide un jour à continuer à explorer son œuvre ^^’

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    • Sometimes a book 11 décembre 2021 / 21 h 30 min

      Oui c’est vrai que des plumes comme ça, on voudrait en voir plus souvent et on pardonne plus facilement les défauts !

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  3. pages pluvieuses 11 décembre 2021 / 11 h 05 min

    Comme toi, grosse amatrice de fantasy, je sais que Jaworski est un nom par lequel il faudra que je passe dans mes lectures prochaines… J’avais un de ses recueils de nouvelles, que j’avais adoré, et dans lequel j’avais effectivement retrouvé ce style si particulier. On y rencontre déjà brièvement Benvenuto, mais j’ai hâte de faire plus ample connaissance avec lui dans Gagner la Guerre !

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    • Sometimes a book 11 décembre 2021 / 21 h 31 min

      Je pense que si tu as adoré les nouvelles, le roman devrait te plaire tout autant. Je ne l’ai pas lu, mais c’est vraiment dans la continuité apparemment 😊

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  4. Baroona 12 décembre 2021 / 18 h 43 min

    Je l’ai tellement dévoré à l’époque que je ne me souvenais pas qu’il était aussi volumineux. 😅

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  5. Tigger Lilly 17 décembre 2021 / 22 h 04 min

    Impossible de m’attacher au perso à cause d’un acte qu’il commet vers le début de roman, me souviens plus quand exactement. C’est l’histoire qui m’a tenue mais j’ai aussi trouvé des longueurs en particulier, comme toi, quand il quitte la ville.

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  6. Shaya 19 décembre 2021 / 15 h 40 min

    C’est chouette que tu aies aimé, je garde un super souvenir de cette lecture 😉

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