[Chronique] Piranèse, de Susanna Clarke

« Et Toi, qui es-Tu ? Pour qui donc suis-Je en train d’écrire ? Et-Tu un voyageur qui a trompé les Marées et franchi les Sols défoncés et les Escaliers en ruine pour accéder à ces Salles ? Ou peut-être es-Tu quelqu’un qui hantera mes salles personnelles longtemps après ma mort ? »

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Piranèse
Autrice : Susanna Clarke
Traduction :  Isabelle D. Philippe
Éditeur : Robert Laffont
Genre : Fantasy
Date de parution française : 7 octobre 2021
Nombre de pages : 306
Prix : 20,90 € 

 

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Synopsis
La maison où vit Piranèse n’est pas un bâtiment ordinaire : ses pièces sont infinies, ses couloirs interminables et ses salles ornées de milliers de statues. Au coeur de cette architecture monumentale est emprisonné un océan, mais Piranèse n’a pas peur, il vit pour explorer ce labyrinthe. Dans son journal, il dresse de rigoureux rapports de ses errances.
L’Autre vit aussi dans cette cité enfouie. Piranèse lui rend visite deux fois par semaine et l’aide dans sa recherche du Grand Savoir. Mais, au cours de ses expéditions, Piranèse découvre un jour des preuves de l’existence d’un troisième habitant. Une terrible vérité commence à se dévoiler, révélant un monde totalement différent de celui qu’il connaît.

 

Susanna Clarke était déjà connue pour son roman Jonathan Strange & Mr Norrell et son recueil de nouvelles Les dames de Grâce Adieu parus respectivement en 2004 et 2006.  Elle revient presque 15 ans plus tard, avec cet étrange roman qu’est Piranèse, une fable psychologique qui ne pourra que diviser les lecteurs, mais qui personnellement m’a convaincue. 

 

On peut s’imaginer beaucoup de choses en observant cette couverture, s’attendre à lire un récit mythologie ou historique et pourtant rien de tout cela ne se trouve entre ces pages. Piranèse est un livre qui se veut déstabilisant dès son entrée. On fait la connaissance d’un personnage, celui-là même qui donne son titre au roman et de l’étrange endroit où il vit, demeure qui se veut également être personnage à part entière du récit. Piranèse semble être quasiment seul au monde, et vivre dans un endroit unique, peut-être dans une dimension parallèle à la nôtre ou tout simplement dans un endroit complètement isolé et inaccessible. Comment s’est-il retrouvé là ? Qui est-il ? Quel est cet endroit étrange entouré d’un océan et vivant au rythme des marées ? Le début du récit est source de très nombreuses interrogations et il faut réussir à se laisser porter par le récit sans être trop impatient à l’idée de découvrir les réponses qui arriveront en temps et en heure.

 

Ce roman met donc en avant Piranèse dans son quotidien. Ce qu’on lit est en réalité le carnet de ce personnage qu’il met à jour avec ses découvertes quotidiennes. Il nous fait part de tout ce qu’il voit lors ses errances dans l’immense labyrinthe qui lui sert de demeure, les différentes statues présentent dans chaque salle, la manière dont il se repère et dont il se nourrit. Piranèse semble réellement vivre en harmonie avec cette maison et ce lien très bien retranscris donne une aura assez envoûtante et fascinante au récit. Ce roman nous emmène dans un endroit hors du temps, dans un monde qui semble à la fois tangible et irréel. J’ai beaucoup aimé le personnage de Piranèse. La manière dont il note de manière hyper méticuleuse la moindre information importante pour lui dans son journal est touchante. Son côté très naïf et peut-être un peu passif pourra énerver certains lecteurs, mais personnellement se sont au contraire des traits que j’ai trouvés très touchants. Piranèse est également un personnage extrêmement rigoureux dans son mode de vie pourtant simple. Il a mis au point un système ingénieux pour se repérer dans le temps et dans l’espace, il a appris à calculer les horaires des marées. Deux fois par semaine, il retrouve un homme qu’il appelle l’Autre et qui semble entreprendre une sorte de recherche scientifique. Bref, même si le récit est assez lent et introspectif, la vie et la personnalité de Piranèse sont étrangement fascinantes, d’autant plus qu’une certaine tension va finir par naître et s’accumuler au fil des pages. 

 

Ainsi, si le récit est calme et doux au départ, il va prendre une tournure de huis clos de plus en plus sombre à mesure des découvertes de Piranèse. En effet, de nouveaux personnages vont s’introduire dans son quotidien et complètement le bouleverser, remettant tout en question. On assiste alors à une fascinante déconstruction de ce personnage et des révélations glaçantes vont venir animer le récit à mesure que les pièces du puzzle vont s’assembler. Et c’est peut-être là le seul défaut de ce roman : dès que Susanna Clarke commence à distribuer ces pièces, on devine assez vite la direction que va prendre l’intrigue et la réponse aux questions que se posent le personnage principal. La surprise des révélations n’est donc pas forcément présente, mais cela n’enlève en rien le soin apporté à la psychologie du personnage et l’envie de découvrir comment il va faire face à ces révélations. Car Piranèse porte réellement tout ce roman et découvrir la manière dont il va réagir et s’interroger face aux éléments extérieurs est l’intérêt principal du récit. Piranèse est réellement un récit psychologique qui retourne le cerveau et soulève de nombreuses questions. C’est le genre de livre où, une fois la dernière page refermée, on s’interroge encore sur ce qu’on vient de lire, sur l’interprétation à donner à cette histoire. Si vous n’aimez pas les romans qui laissent plusieurs interprétations possibles, je ne vous conseille donc pas forcément de tenter Piranèse, si au contraire vous aimez les récits lumineux, qui habitent le lecteur et donnent envie de les relire une fois la dernière page fermée afin de redécouvrir l’histoire sous un autre angle, foncez. Piranèse est une petite pépite de délicatesse, comme on en voit peu. 

 

« La beauté du Palais est incommensurable, sa bonté infinie »

D’autres avis : Fourbis & tétologie –