[Chronique] Meute, de Karine Rennberg

Meute
 
« Le loup refuse de sortir, lutte contre le cri qui l’invoque. Et toi, tu te noies avec lui, dans une mer noir nuit obscure, noir encre indélébile, noir abysses infernaux… » 


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Meute
Autrice :
Karine Rennberg
Illustration : Zariel
Éditeur : ActuSF
Genre : Urban Fantasy
Date de parution : 4 mars 2022
Nombre de pages : 568
Prix : 20,90 € (broché) / 9,99€ (numérique)
 
Synopsis
Roman atypique lycantrope, Meute suit les traces de Nathanaël, Val et Calame. Le premier est un loup-garou né de la violence et la solitude qui se débat au sein d’une meute qui ne lui convient pas. Le second est un humain à qui l’on a volé la voix. Quand le troisième entre dans leur vie bien malgré eux, des tensions s’installent et menacent de tout déchirer. Comment trouver son équilibre, dans un monde où les secondes chances n’existent pas ?
Ce récit fantastique est avant tout celui d’une tranche de vie, de ce moment où tout bascule entre le noir et la couleur.
MON avis
Meute est la pépite de l’imaginaire des éditions ActuSF pour l’année 2022. Il s’agit donc du premier roman de l’autrice nantaise Karine Rennberg, un roman dont la couverture et le résumé mystérieux ne dévoilent pas grand-chose, si ce n’est la thématique principale : les loups-garous, et c’est déjà pas mal ! 
 

Une narration atypique

 
La lecture de Meute frappe dès les premières pages par sa narration atypique du fait de l’usage de la deuxième personne associé au présent. Le narrateur tutoie les personnages (et non le lecteur) comme s’il était intimement proche d’eux et qu’il comprenait tout ce qu’ils ressentent et font. C’est donc un narrateur à la fois extérieur à l’histoire, mais dont l’aura est très présente dans le récit et semble très proche, un peu à la manière d’un autre loup qui serait connecté psychiquement aux autres, mais sans jamais intervenir autrement qu’en racontant l’histoire. Meute alterne le point de vue de trois personnages : Nathanaël, Val et Calame. Même si l’emploi de la deuxième personne n’aide pas forcément à restituer qui parle à qui de manière aisée, le peu de personnages fait qu’il n’est pas compliqué de suivre l’histoire. On s’habitue donc très vite à cette narration atypique qui permet même de rendre le récit très fluide. Le style d’écriture est assez brut, un peu oralisé et les presque 600 pages du roman se dévorent à une vitesse impressionnante.
 

Rouge traumatisme

 
Comme le dit parfaitement bien la quatrième de couverture, Meute est un roman tranche de vie. Karine Rennberg s’est focalisée sur le développement de ses personnages, sur les liens qui se forgent entre eux, sur leur background et leurs angoisses. Elle ne cherche pas à créer un univers particulier, ni une intrigue aux multiples péripéties. On ne sait que très peu de choses du monde où vivent les personnages, on ne connaît finalement que les choses dont ils ont besoin pour survivre. Le roman est ainsi une sorte de bulle qui nous englobe dans un espace clos, une bulle pleine de couleurs parfois effrayantes parfois rassurantes. Car l’usage des couleurs est un élément central du roman et peut-être celui que j’ai le plus apprécié. On suit le personnage de Calame, un jeune lycanthrope traumatisé qui voit le monde en couleurs ; des couleurs qui vont de manière très poétique toujours par trois : violet lavande, violet lilas, violet amusement ; rouge sang, rouge lune macabre, rouge flammes. Alors que l’association des couleurs et des émotions est une chose assez connue et acceptée, je n’avais encore jamais vu cette thématique traitée dans un roman. Et pourtant c’est un excellent moyen de comprendre les personnages quand, comme Calame, ils ne s’expriment plus suite à des traumatismes. Ainsi Calame trouve son propre moyen d’expression dans les couleurs, ce qui rend ce personnage d’autant plus marquant et la thématique du traumatisme d’autant plus percutante. Meute aborde réellement la thématique du traumatisme sans concession et dans tous ses aspects : physiques et mentaux. Il y a des scènes très difficiles liées au refus du jeune loup de s’alimenter, au refus de se laisser toucher et aux milliers de petites choses qui paraissent anodines, mais qui peuvent le terroriser. 
 

La famille avant tout

Meute c’est également avant tout une histoire de famille et c’est bien là où la lycanthropie vient trouver son sens. Si l’autrice ne traite pas la thématique du loup-garou de manière ordinaire, elle conserve le lien très fort que l’on retrouve souvent avec ce genre de personnages. Ainsi les loups d’un même clan possèdent une connexion mentale et peuvent ressentir les émotions de leurs congénères même à distance. Karine Rennberg tourne son intrigue autour de la formation de ce lien très spécial, les difficultés voire le bouleversement qu’il engendre notamment pour Nathanaël qui était un loup solitaire et devient le membre d’une meute devant en plus prendre sous son aile le petit Calame. Ainsi les spécificités du loup-garou sont vraiment utilisées pour servir le propos du récit. On ne retrouve pas ici les archétypes des romans d’urban fantasy classique avec des clans rivaux, des affrontements entre humains et lycanthropes… La violence est bien présente en toile de fond du roman, mais les éléments extérieurs ont beaucoup moins d’importance que les rapports intérieurs à la meute.

De ce fait, même si le propos est intéressant et traité avec originalité, le roman souffre un peu d’un manque d’enjeux. L’autrice choisit de montrer à quel point l’évolution d’un lien familial et le soin d’un traumatisme peut prendre du temps et, en ce sens le récit est très réaliste, mais il finit par tourner un peu en rond à mon sens. Ce roman est réellement centré sur les personnages et je n’ai aucun doute que cela suffise à beaucoup de lecteurs, mais personnellement il m’a manqué un élément en plus, que ce soit du wordlbuilding, un style plus travaillé ou une intrigue plus présente. Il m’aura donc manqué simplement une petite épice en plus pour venir accrocher mon attention jusqu’à la dernière page. J’ai également regretté le fait que le choix d’utiliser la deuxième personne ne trouve pas de justification dans l’intrigue. J’ai eu l’impression qu’il était utilisé uniquement pour contrebalancer les petits manques que j’ai évoqués auparavant, alors qu’il aurait pu réellement servir et être utilisé dans l’intrigue. Cela reste un détail et j’ai tout de même passé un bon moment de lecture avec Nathanaël, Val et Calame qui sont des personnages marquants et finement développés tout au long de ce récit. 
 

En bref

Meute est un roman tranche de vie qui aborde la thématique de la lycanthropie de manière très intimiste. L’autrice nous immerge au sein de la formation d’une nouvelle meute, meute où tous les membres possèdent leurs fêlures voire des traumatismes très profonds. Elle gère d’ailleurs très bien l’évocation de ces traumatismes à travers un jeu de couleur utilisé par un des personnages pour exprimer les émotions qu’il n’arrive plus à gérer et à oraliser. C’est ainsi un roman centré sur les personnages qui ne déploie pas une intrigue et un univers très vaste, mais qui exploite très bien et de manière originale la lycanthropie et particulièrement la profonde connexion qui se développe entre les différents membres de la meute. 
 
Bonne lecture
Cette chronique émane d’un service-presse des éditions actuSF que je remercie !
 
 
 
 

8 réflexions sur “[Chronique] Meute, de Karine Rennberg

  1. tampopo24 9 avril 2022 / 6 h 53 min

    Vous êtes nombreux à évoquer cette narration tellement particulière, ça m’interpelle. En revanche le côté tranche de vie avec un wordbuilding presque inexistant me refroidit un peu, j’ai peur de me sentir lésée même si la thématique du trauma n’appelle pas forcément action et tout ce qui va avec, j’ai besoin d’un minimum de décor autour personnellement pour m’immerger. A voir.
    Merci en tout cas pour ta chronique qui donne envie 😁

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    • Sometimes a book 10 avril 2022 / 19 h 26 min

      Je comprends, c’est un peu mon sentiment d’être lésée à cause du wordbuilding faible, mais le roman a quand même l’air de plaire énormément donc ça peut valoir le coup !

      Aimé par 1 personne

  2. zoelucaccini 10 avril 2022 / 17 h 54 min

    Ca m’intrigue. C’est véritablement l’effet que me fait ce livre. La narration, l’aspect tranche de vie, tout ça titille ma curiosité. Mais quelque chose me retient, je ne sais pas quoi exactement.
    Je verrai, je me laisserai tenter mais pas tout de suite.

    Aimé par 1 personne

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