[Chronique] L’ours et le rossignol, de Katherine Arden

l'ours et le rossignol

« Une part d’elle-même avait cru – espéré – qu’elle trouverait de l’aide dans la forêt. Le destin, la magie. Elle avait espéré l’apparition de l’Oiseau de feu, ou de la jument à la crinière d’or, ou du corbeau qui était en fait un prince… Quelle bêtise, de croire aux contes de fées. La forêt hivernale n’avait cure des hommes et des femmes ; le tchiort dormait l’hiver et les princes-corbeaux n’existaient pas. »


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L’ours et le rossignol
Autrice :
Katherine Arden
Traduction : Jacques Collin
Illustration : Aurélien Police
Éditeur : Denoël /Folio SF
Genre : Fantastique
Date de parution  : 17 janvier 2019
Nombre de pages : 351
Prix : 21,90 €
 
Synopsis
Au plus froid de l’hiver, Vassia adore par-dessus tout écouter, avec ses frères et sa sœur, les contes de Dounia, la vieille servante. Et plus particulièrement celui de Gel, ou Morozko, le démon aux yeux bleus, le roi de l’hiver. Mais, pour Vassia, ces histoires sont bien plus que cela. En effet, elle est la seule de la fratrie à voir les esprits protecteurs de la maison, à entendre l’appel insistant des sombres forces nichées au plus profond de la forêt. Ce qui n’est pas du goût de la nouvelle femme de son père, dévote acharnée, bien décidée à éradiquer de son foyer les superstitions ancestrales.
 

MON avis

L’ours et le rossignol est le premier tome d’une trilogie dont seul le premier tome est pour l’instant sorti en poche aux éditions Folio SF. Si vous ne voulez pas vous lancer dans une saga, sachez que ce premier tome propose une histoire complète qui peut tout à fait se lire comme un one-shot.

Un univers enchanteur

L’ours et le rossignol nous emmène dans une Russie médiévale à la découverte de la famille d’un certain Pior Vladimirovitch, un petit seigneur habitant dans une contrée reculée à plusieurs jours de voyage de Moscou. L’histoire débute à la naissance de la dernière fille de Pior qui, on le comprend bien vite, va devenir la véritable héroïne de cette histoire. Car même si l’on suit les autres membres de sa famille, c’est bien le personnage de Vassia qui va prendre de plus en plus d’importance au cours du récit.

Katherine Arden dépeint particulièrement bien l’ambiance de la Russie, ses paysages enneigés et son folklore rempli de créatures aux noms étranges (d’ailleurs un glossaire très utile reprend et explique tous les termes russes à la fin de l’ouvrage). Pendant la lecture, on peut quasiment ressentir la dureté du froid polaire de l’hiver russe, tant la rudesse de ces conditions climatiques est bien décrite. La plume de Katherine Arden est très simple, mais extrêmement immersive puisqu’elle s’applique à plonger le lecteur dans son atmosphère froide et onirique et prend le temps de bien décrire son décor et les émotions des personnages. Le roman s’ouvre sur le récit d’un conte russe mettant en avant le Roi de l’hiver, un personnage du folklore russe qui aura une grande importance dans la suite de l’intrigue, permettant au lecteur de se plonger directement de l’ambiance du récit. Même si l’intrigue prend parfois une direction particulièrement sombre et cruelle, elle dégage quelque chose d’enchanteur et d’onirique, une ambiance magique comme on en voit peu. 

Une intrigue aux multiples facettes

Malgré son ambiance enchanteresse et magique, l’intrigue de L’ours et le rossignol est loin d’être légère et aborde de nombreuses thématiques importantes. Le roman nous offre ainsi une intrigue riche mettant en avant différentes facettes de la Russie : on y trouve ainsi des aspects politiques, culturels et religieux. A travers la famille de Pior Vladimirovitch, on découvre le mode de vie typique d’une famille à cette époque que ce soit dans les campagnes reculées ou dans des milieux plus riches puisque les personnages sont parfois amenés à voyager jusqu’à Moscou. Cette immersion dans les hautes sphères de la société donne l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la politique du pays et, même si cela reste léger, les quelques intrigues politiques qui ponctuent le récit sont particulièrement intéressantes. Mais l’aspect qui ressort le plus dans ce premier tome est la religion et plus particulièrement l’opposition entre la religion chrétienne et les anciennes croyances dites païennes. En effet, après un concours de circonstance, un prêtre, nommé Konstantin, va débarquer dans la vie des personnages et imposer sa vision de la religion en rejetant toutes les vieilles légendes et superstitions russes. Seul le personnage de Vassia va s’opposer à ces principes et lutter pour protéger les anciennes croyances. Même si l’arrivée de la religion chrétienne entraîne de nombreux troubles et des passages particulièrement cruels, le récit est loin d’être une simple critique de cette religion et de proposer un discours manichéen. Konstantin n’est ainsi jamais vraiment considéré comme l’antagoniste de l’histoire, mais plutôt comme un personnage perdu dans ses convictions n’arrivant plus à prendre du recul sur les évènements. Les autres personnages qui vont suivre les paroles de Konstantin ne le font pas non plus pour de mauvaises raisons, mais sont simplement gouvernés par la peur et le profond désir de vivre une vie calme et heureuse. L’ours et le rossignol propose ainsi des réflexions profondément humaines dans une intrigue qui prend son temps pour bien poser son ambiance, mais qui finit par devenir envoutante, nous immergeant de plus en plus dans les légendes russes. 

Si les thématiques proposées et l’intrigue de manière générale fonctionnent extrêmement bien ensemble, l’autrice aurait pu creuser un peu plus les aspects politiques pour rendre le tout un peu complexe et peut-être un peu moins prévisible. La trame du récit reste globalement assez linéaire, même si la tension monte progressivement au fil des pages et il aurait été intéressant de l’étoffer un peu avec une dimension politique plus présente. 

Une héroïne qui se révèle de pages en pages

Deux personnages sont particulièrement développés au cours du récit : Vassia et Konstantin. Si la personnalité des personnages secondaires reste assez stéréotypée, l’autrice a particulièrement travaillé sur la profondeur de ces deux personnages. Comme je le disais précédemment Konstantin n’est pas un simple antagoniste, il est suffisamment développé pour qu’on comprenne son cheminement de pensée et pour le rendre crédible. Mais l’un des gros points forts du roman est le magnifique personnage de Vassia, un personnage que l’on apprend à connaître de sa plus tendre enfance jusqu’à ce qu’elle atteigne quasiment l’âge adulte et qui se révèle de pages en pages. Vassia une jeune femme très différente des autres que cela soit au niveau de son physique puisqu’elle ne semble pas vraiment correspondre aux critères de beauté, mais aussi de sa personnalité. C’est la seul à défendre les vieilles croyances russes et elle est souvent accusée d’être une sorcière. Cependant, et malgré le fait qu’elle soit seule contre tous, elle possède une force immense et n’abandonne jamais ses convictions. C’est vraiment un personnage qui utilise sa différence comme une force et c’est typiquement le genre de personnages que j’aime retrouver dans les récits, car ils mettent en avant de très belle valeur. Vassia est ainsi un personnage particulièrement attachant, qui peut parfois être agaçante à cause de sa très grande gentillesse – voire naïveté – mais c’est ce qui fait aussi partie du charme du personnage. J’ai beaucoup apprécié suivre ce personnage et la manière dont elle évolue au fil de ce tome et je suis vraiment curieuse de lire les prochains pour savoir où son incroyable destin a pu la mener !


Conclusion


L’ours et le rossignol est le premier tome d’une trilogie qui nous emmène dans un univers enchanteur au cœur de la Russie médiévale. L’autrice nous immerge dans une ambiance glacée grâce à sa plume simple, mais très immersive. Elle prend ainsi le temps de planter son décor et de décrire les émotions de ses personnages à tel point que l’on peut ressentir l’air gelée de l’hiver russe au cours de la lecture. Si l’intrigue nous propose la découverte des créatures qui peuplent le folklore russe, elle est loin d’être légère et timorée. Le récit prend même un ton sombre et parfois cruel mêlant des intrigues politiques, culturelles et religieuses. Les légendes russes se retrouvent confrontées à la sévérité de la religion chrétienne et cette opposition entre religion et superstition est très bien traitée par l’autrice. De plus, le roman est porté par une superbe héroïne qui brille dans sa différence malgré toutes les critiques qu’elle peut subir et qui se révèle de pages en pages. Le récit aurait pu être un peu plus étoffé sur certains aspects, mais il reste envoûtant grâce à son univers à la fois sombre et enchanteur. 

TB lecture

D’autres avis : YuyineLes mots de MahaultUranieAlbédoJust a Word – Au pays des cave-trolls – Les Blablas de Tachan – Le Bibliocosme – ElhyandraBlackwolfFeygirlLight and smell – ?

14 réflexions sur “[Chronique] L’ours et le rossignol, de Katherine Arden

  1. tampopo24 13 février 2021 / 9 h 25 min

    Un de mes plus gros coups de cœur de l’an passé. Au delà de l’ambiance russe, de l’univers issus de leurs mythes et légendes, j’ai adoré l’héroïne et le discours sur l’indépendance des femmes !

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  2. zoelucaccini 13 février 2021 / 14 h 27 min

    Bon, je rajoute ce titre dont j’ai pas mal entendu parler sur ma wish list, d’autant plus qu’il peut se lire en one shot.
    Voyager dans d’autres contrées me plaît bien, ça change un peu. Ce que tu en dis me plaît bien.

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  3. Baroona 13 février 2021 / 15 h 49 min

    « La trame du récit reste globalement assez linéaire » : c’est vraiment le défaut du roman pour moi, ça manque de surprise. Mais ça reste sympathique dans l’ensemble, c’est l’essentiel. ^^

    Aimé par 1 personne

    • Sometimes a book 14 février 2021 / 12 h 53 min

      Oui ça fonctionne très bien quand même. A voir dans les tomes suivants si ce point s’améliore !

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