[Chronique] Une cosmologie de monstres, de Shaun Hamill

une cosmolgie de monstres

« Je me suis mis à collectionner les lettres de suicide de ma sœur Eunice à l’âge de sept ans. Je n’en ai jeté aucune, je les garde dans un pince-notes noir rangé dans le tiroir du bas de mon bureau. À part ça, on ne m’a pas permis d’emporter grand-chose. »


une cosmologie de monstres
Une cosmologie de monstres
Auteur :
Shaun Hamill
Traduction : Benoît Domis
Maisons d’édition : Albin Michel / Le Livre de poche
Genre : Fantastique
Nombre de pages : 401 (broché)
Prix : 24 € (broché) / 8,90 € (poche)
Synopsis
« Dans Une Cosmologie de monstres, Shaun Hamill allie brillamment les univers angoissants de H.P. Lovecraft avec l’histoire contemporaine d’une famille menacée de destruction par des forces surnaturelles. Il réussit son coup, parce que ces braves gens pourraient être nos voisins. L’horreur ne fonctionne que lorsque nous nous attachons aux personnes concernées ; nous nous attachons aux Turner, et leurs cauchemars deviennent les nôtres. La prose de Hamill est sobre, tout simplement belle. Voilà à quoi ressemblerait un roman d’horreur signé John Irving. J’ai adoré ce livre, et je pense qu’il vous plaira aussi. »
MON avis
Contrairement à ce que la couverture, le titre et l’hommage assumé à Lovecraft peuvent laisser penser, Une cosmologie de monstres n’est pas un roman horrifique au sens où l’on pourrait le penser. Il n’en reste pas moins idéal à lire pour la période automnale, d’une très grande qualité et d’une belle maîtrise pour un premier roman.
On y suit donc la famille Turner, de la rencontre entre les parents dans la première partie jusqu’à ce que les trois enfants aient eux-mêmes atteint l’âge adulte, le tout narré par le benjamin, Noah. Dès le début du roman, la vie de la famille Turner est marquée par les difficultés et les drames, ce qui prend rapidement le lecteur au dépourvu. En effet, on aurait pu s’attendre à une ambiance montant progressivement dans l’horreur comme c’est souvent le cas dans ce genre de récit et non à être confronté à un choc soudain dès le départ. C’est pourtant ce choix que fait Shaun Hamill nous montrant que les évènements dramatiques peuvent arriver à tout moment et que la famille Turner ne fait pas exception à la règle. Et c’est de ce premier choc que va justement naître l’ambiance du récit en créant une sorte d’aura autour du personnage de Noah dont la vie est entourée de tragédies avant même sa naissance. Le personnage donne d’ailleurs très bien le ton dès l’incroyable incipit du roman : « Je me suis mis à collectionner les lettres de suicide de ma sœur Eunice à l’âge de sept ans. ». Cette ambiance particulière va devenir d’autant plus intense quand une sorte de monstre commencera à venir rendre visite à Noah chaque soir et qu’une étrange relation va se nouer entre eux… 
Comme je le disais Une cosmologie de monstres n’est pas un roman d’horreur qui vous fera trembler de peur ou simplement frissonner grâce à une ambiance pesante. Les ambitions de l’auteur sont ailleurs malgré les nombreuses références à Lovecraft qui parsèment le récit. Si le roman reste une lecture parfaite lors des mois d’automne c’est surtout grâce aux personnages qui développent une passion se transmettant au fil des générations pour la fête d’Halloween et les maisons hantées au point de vouloir eux-mêmes en construire une. Ainsi, même si le récit se déroule sur de nombreuses années, la fête d’Halloween y trouve une importance et une saveur particulière peut-être plus nostalgique qu’horrifique. Car Une cosmologie de monstres tisse la toile des années avec une grande délicatesse utilisant la figure du monstre de manière plus métaphorique qu’horrifique. Le roman explore avant tout l’esprit humain et tous les évènements qui peuvent venir l’altérer (maladies, drames, troubles psychiques, violence…). Si Shaun Hamill met en scène la figure du monstre à travers cet être très mystérieux qui rend visite chaque soir à Noah et dont les intentions ne sont jamais vraiment claires, c’est bien l’humain qui est décortiqué sous toutes ses coutumes à travers le récit.
Une cosmologie de monstres est ainsi un conte tragique et intimiste dont l’ambiance m’a complètement happée dès les premières lignes. Shaun Hamill a une écriture nette et ciselée rendant l’intrigue très visuelle et immersive. À travers les drames qui se nouent, on se prend vite de compassion pour la famille Turner, une famille profondément humaine dans toutes les failles qu’elle possède. J’ai trouvé que l’auteur avait une manière assez originale de la dépeindre. Le récit étant conté par Noah, on ressent une proximité avec cette famille, l’impression de les observer de l’intérieur. Et pourtant, on ressent également une grande distance, distance qui est bien présente, comme si les drames successifs avaient inexorablement instauré une barrière entre chaque membre de la famille Turner. L’auteur nous fait ainsi très bien ressentir l’intimité de cette famille et l’évolution de leurs liens au fil des années. Si les drames qui se jouent à l’intérieur de cette famille sont dépeints avec beaucoup de finesse, le récit est lui surtout rythmé par le mystère qui entoure la figure du monstre et qui rend la lecture passionnante. Ainsi à mesure que la distance entre Noah et le reste de sa famille se fait sentir, le rapprochement avec le monstre lui s’intensifie. Au fil des pages, on se questionne ainsi de plus sur ce lien qui devient tour à tour touchant, malsain, déroutant… On ressent bien la part métaphorique de ces figures monstrueuses et j’ai adoré me questionner sur le message caché derrière jusqu’au dénouement très fort et très réussi du roman qui m’a confortée dans ma réflexion. C’est ainsi le genre de lecture qui me satisfait pleinement, car elle divertit tout en proposant une réflexion sur des thématiques qui me passionnent ayant notamment à trait à l’esprit et à la noirceur humaine. Finalement, Une cosmologie de monstres interroge sur le monstre qui se cache en chacun de nous en parlant des drames du quotidien avec une incroyable délicatesse. Shaun Hamill nous plonge dans une ambiance douce amer saisissante si l’on accepte de s’éloigner de l’ambiance terrifiante à laquelle on s’attendait au départ.
coup de coeur

11 réflexions sur “[Chronique] Une cosmologie de monstres, de Shaun Hamill

  1. tampopo24 9 novembre 2022 / 7 h 10 min

    Merci d’avoir aussi bien décrit ce roman sur lequel je m’étais bien trompé. J’apprécie de savoir qu’il y a un fin travail psychologique et une belle ambiance. Je vais me le prendre pour l’automne prochain, ce sera parfait et j’adore la couverture du poche 😍

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    • Sometimes a book 11 novembre 2022 / 13 h 43 min

      Avec plaisir, je suis contente de pouvoir faire redécouvrir ce magnifique roman ! Et oui la version poche est top, la couverture correspond même mieux à l’ambiance je trouve

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  2. Steven 9 novembre 2022 / 8 h 29 min

    Et bien, tu me donnes envie de découvrir ce roman sur lequel je ne me serais certainement pas retourné.
    Les personnages et cette famille ont l’air passionnants et parfaits à rencontrer à Halloween prochain.
    Merci pour la découverte que j’ai déjà noté 😉

    Aimé par 1 personne

  3. Parlons fiction 9 novembre 2022 / 12 h 11 min

    Ce livre avait été un vrai coup de cœur lorsque je l’avais découvert ! Il a vraiment cette ambiance intimiste mêlé à un travail psychologique superbe et cela donne un résultat bouleversant

    Aimé par 1 personne

    • Sometimes a book 11 novembre 2022 / 13 h 45 min

      Oui c’est tout à fait ça, vraiment je ne m’attendais pas à trouver tout ça en démarrant la lecture !

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