[Chronique] La maison aux pattes de poulet, de GennaRose Nethercott

la maison aux pattes de poulet

Séparés depuis l’enfance, Bellatine et Isaac Yaga pensaient ne jamais se revoir. Mais lorsque tous deux apprennent qu’ils vont hériter leur grand-mère ukrainienne, frère et sœur acceptent de se rencontrer. Ils découvrent alors que leur legs n’est ni une propriété ni de l’argent, mais quelque chose de bien étrange : une maison intelligente juchée sur des pattes de poulet. Arrivée de Kyiv, foyer ancestral de la famille Yaga, l’isba est traquée par une entité maléfique : Ombrelongue, qui ne reculera devant aucun acte de violence pour détruire l’héritage de Baba Yaga.

MON avis

Albin Michel Imaginaire commence l’année 2024 en nous emmenant dans l’univers à la fois sérieux et loufoque de GennaRose Nethercott qui revisite avec La maison aux pattes de poulet le folklore slave, et plus particulièrement les mythes autour du personnage de Baba Yaga.

Baba Yaga est une figure universelle de la mythologie slave. Elle y intervient sous différentes formes, elle apparaît parfois comme sorcière ou magicienne, d’autres fois comme divinité ou gardienne du pays des morts. Elle habite dans une maison montée sur des pattes de poulet, cette même maison qui va être le centre de l’intrigue de GennaRose Nethercott. En effet dans La maison aux pattes de poulet, deux descendants de Baba Yaga, Bellatine et Issac Yaga vont recevoir en héritage cette étrange maison. Le frère et la sœur qui s’étaient perdus de vue vont se retrouver à l’occasion de cet héritage et vivre une aventure avec cette maison puisque celle-ci est pourchassée par un être étrange nommé Ombrelongue. 

Je dois avouer qu’il m’a fallu deux tentatives pour parvenir à bout de ce roman. Je l’ai abandonné une première fois à la moitié puis j’ai décidé de lui redonner sa chance. Il faut être honnête, La maison aux pattes de poulet n’a pas été un roman pour moi. Si la lecture a été compliquée pour moi c’est surtout au niveau de la forme que prend l’intrigue et du style du récit. Le fond de cette histoire est quant à lui brillant et c’est pour cette raison que j’ai décidé de vous en parler, car c’est un livre qui mérite d’être mis en avant. 

La maison aux pattes de poulet est un roman très bien écrit (et bien traduit), l’écriture est fluide et agréable à lire et il y a une certaine puissance et une aura particulière qui résonne des paroles de l’autrice. Cependant j’ai trouvé le récit bavard par rapport à ce qu’il avait à raconter. L’intrigue avance lentement, on a l’impression d’avancer puis de repartir en arrière dans un rythme saccadé. Le ton du récit est très particulier, il prend souvent une allure sarcastique avec le personnage d’Isaac et joue avec le merveilleux en reprenant les contes slaves et en faisant intervenir cette drôle de maison qui se tient sur des pattes. Mais le roman a également un ton souvent dramatique sur beaucoup d’aspects et notamment les aspects historiques. Il retourne au XXe siècle durant la guerre civile russe et les massacres qui ont été perpétués à l’encontre de la communité juive, les mettant en scène à travers des passages difficiles et de manière métaphorique à travers le personnage terrifiant d’Ombrelongue. De ce fait, j’ai eu beaucoup de mal avec le personnage d’Isaac qui m’a même été très antipathique tant il m’a semblé détonner avec le reste et notamment avec le poids très lourd de la réalité historique. J’ai préféré les passages abordant le point de vue de Bellatine, une jeune femme qui subit une forme de malédiction et dont l’histoire m’a plus touchée. 

Néanmoins, si je n’ai pas accroché à la forme qu’a pris l’intrigue, tout cela est en réalité une métaphore filée pour un sujet bien profond. La maison aux pattes de poulet est un récit qui aborde le devoir de mémoire, l’importance de la transmission et du fait qu’il reste toujours quelqu’un pour se souvenir. Si je n’ai pas accroché à la forme, le message est bien là, très fort et explicite, et la fin du roman est particulièrement réussie et touchante. Finalement le récit s’éclaire quand on arrive aux dernières pages et qu’on comprend l’étendu de la métaphore. On comprend le sens des différents personnages et la réalité de cette aventure. GennaRose Nethercott offre un récit brillamment construit pour amener son message de manière à ce qu’il soit le plus percutant possible. Le procédé est déroutant, mais la dénonciation faite par l’autrice n’en ressort que plus forte. Je comprends que beaucoup de lecteurs aient pu être bouleversés par cette histoire et je vous conseille sincèrement de lui laisser une chance si les thématiques qui y sont abordées vous intéressent. 

« Au paradis ou en enfer ? Et s’il y avait d’autres destinations ? songea-t-il ? Des espaces interstitiels, dans lesquels les morts ne mouraient jamais, mais flottaient dans le temps ? Un temps-ouroboros, se dévorant la queue à jamais. Certains souvenirs sont si puissants qu’ils ne s’effacent jamais. Ils ne cessent de se replier sur eux-mêmes pour être vécus de nouveau, et sans fin. Était-ce là que Benji se trouvait ? Un univers de poche où il tombait, tombait, tombait de son échelle durant l’éternité ? Isaac ferma les yeux. Le froid l’enveloppait comme un linceul, dont il ne sentit bientôt même plus le poids. Quelque part, une guitare jouait, accords doux et métalliques ; il s’en fallait de très peu pour qu’il ne la voie. Il avait trahi Benji. Il l’avait laissé mourir et, pire encore, l’avait laissé sombrer dans l’oubli. Il avait condamné sa sœur au même sort. Rien d’étonnant à ce qu’il se sente comme un fantôme. Il en était plus proche que des vivants. » 

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La maison aux pattes de poulet
Autrice :
GennaRose Nethercott
Traduction : Anne-Sylvie Homassel
Couverture : Anouck Faure
Maison d’édition :  Albin Michel (Imaginaire)
Genre : Fantastique
Publication française :  01 février 2024
Nombre de pages : 523 pages 
Prix : 24,90 € (broché) / 12,99 € (numérique)
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11 réflexions sur “[Chronique] La maison aux pattes de poulet, de GennaRose Nethercott

  1. tampopo24 6 mars 2024 / 7 h 01 min

    Merci pour cette chronique honnête où tu pointes justement ce qui t’as gêné mais aussi ce qui pourrait plaire, pour montrer que malgré tout il ne faut pas hésiter à poursuivre. J’espère ainsi que ça encouragera ceux dans la même situation que toi car le message le mérite.

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  2. Jean-Yves 6 mars 2024 / 8 h 34 min

    Une belle chronique. C’est chouette d’être capable comme ça de dissocier ses attentes ou goûts et les qualités intrinsèques d’un roman et donc de mettre en avant à qui il s’adresse. Bravo !

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  3. Baroona 6 mars 2024 / 14 h 02 min

    Conseiller un roman alors même qu’on en a eu une lecture mitigée, ça donne encore plus de poids au conseil !

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  4. Shaya 28 mars 2024 / 13 h 48 min

    Jolie chronique en tout cas ! Le sujet m’intéresse, je pense y venir un jour ou l’autre.

    Aimé par 1 personne

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