[Chronique] La forêt sombre, de Liu Cixin

L’humanité le sait désormais : dans un peu plus de quatre siècles, la flotte trisolarienne envahira le système solaire. La Terre doit impérativement préparer la parade, mais tout progrès dans les sciences fondamentales est entravé par les intellectrons. Grâce à ces derniers, les Trisolariens peuvent espionner toutes les conversations et tous les ordinateurs, en revanche ils sont incapables de lire dans l’âme humaine. Parallèlement aux programmes de défense classiques visant à lever des armées spatiales nationales, le Conseil de défense planétaire imagine donc un nouveau projet : le programme Colmateur. Quatre individus seront chargés d’élaborer chacun de leur côté des stratégies pour contrer l’invasion ennemie, sans en révéler la nature. Ils auront à leur disposition un bud-get presque illimité et pourront agir comme bon leur semble, sans avoir besoin de se justifier. Livrés à eux- mêmes, ils devront penser seuls, et brouiller les pistes. Trois des hommes désignés sont des personnalités politiques de premier plan et des scientifiques éminents, mais le quatrième est un parfait anonyme. Astronome et professeur de sociologie sans envergure, le Chinois Luo Ji ignore totalement la raison pour laquelle on lui con?e cette mission. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il est désormais l’un des Colmateurs, et que les Trisolariens veulent sa mort.

Après Le problème à trois corps, Liu Cixin revient un deuxième tome intitulé La forêt sombre et qui aborde les conséquences sociétales, politiques et scientifiques des évènements du premier tome en mettant en scène de nouveaux personnages sur une échelle de temps plus longue que celle du premier tome.

! Attention si vous lisez la suite de cette chronique, je vais être obligée de révéler des informations essentielles du premier tome ! 

J’avais été époustouflée par ma lecture du Problème à trois corps, par ses questionnements scientifiques et l’émulation intellectuelle qu’ils engendraient. J’avais été passionnée par cette intrigue, sa dimension historique, la réalité glaçante qui se cachait derrière tout ça. Malheureusement, je n’ai retrouvé aucun de ces aspects dans La forêt sombre. Ce deuxième tome propose une toute nouvelle facette de l’univers, une facette bien plus éloignée du domaine scientifique et qui se veut plus proche de ce qui se pourrait se passer à l’échelle de la société si les évènements du premier tome se déroulaient réellement. On ne retrouve donc pas les aspects scientifiques qui m’avaient passionnée dans le premier tome, au contraire, l’auteur se défend bien d’expliquer certaines choses comme les intellectrons, ces particules qui permettent aux Trisolariens d’espionner les humains. Liu Cixin se garde bien d’expliquer leur manière de fonctionner et leur conférant un aspect mystique et irréaliste qui ne colle pas vraiment avec le propos, d’autant plus que, sans les intellectrons, tout ce qui est mis en place dans le récit n’aurait plus de raison d’être. La base de l’intrigue de ce deuxième tome ne semble donc pas reposer sur des fondations assez solides à mon goût. 

Car ce deuxième tome a pour but de se projeter dans notre futur, de montrer sur une vaste échelle de temps comment l’humanité pourrait se préparer à une invasion extra-terrestre. Et à ce niveau Liu Cixin a pléthore de bonnes idées, à commencer par le programme Colmateur qui est en grande partie l’objet de ce deuxième tome. Si l’idée est excellente, je n’ai pas été complètement convaincue par sa mise en place. Je n’ai pas trouvé crédible la manière dont est instrumentalisé le programme ni la manière dont le programme permettrait de cacher des choses aux intellectrons. Les ficelles sont un peu grosses, mais le développement du programme Colmateur et des différents personnages qui y participent à commencer par Luo Ji, notre protagoniste principal, reste très intéressant à découvrir. J’ai beaucoup aimé toute la trame narrative autour de Luo Ji, la manière dont il devient Colmateur bien malgré lui et qu’il apprend à gérer ce rôle. Toute l’intrigue autour de ce personnage est ce qui m’a fait apprécier cette lecture et ses 659 pages qui m’ont tout de même paru bien longues. Car cette intrigue est également noyée sous énormément de questions sociétales et politiques qui n’ont pas su me captiver. 

J’ai également aimé découvrir la vision de notre futur par Liu Cixin. À un certain moment, l’intrigue fait un saut dans le temps ce qui nous permet de découvrir la manière dont la société a évolué autant d’un point de vue sociétal que d’un point de vue technologique. Cependant, tout cela reste finalement à l’échelle de quelques personnages. L’auteur ne propose pas une vue d’ensemble, mais on reste focalisé sur quelques personnages influents qui vont prendre des décisions politiques. Quelle est réellement la conséquence de l’invasion trisolarienne à l’échelle de l’humanité ? Le texte n’y répond pas vraiment. De plus, Liu Cixin propose dans ce texte une réponse au paradoxe de Fermi avec le concept de Forêt sombre qui donne son titre au roman. Cette réponse au paradoxe de Fermi a été une surprise pour beaucoup de lecteurs, ça n’a pas été mon cas, bien au contraire, je l’ai trouvé décevante. L’auteur noie sa réponse sous des explications obscures pour la rendre faussement complexe et impressionnante alors que la proposition est d’une simplicité enfantine. Si les choses sont simples pourquoi vouloir les rendre faussement compliquées ? La proposition aurait pu être tout aussi percutante sans tous les effets qui finalement nous font attendre beaucoup pour pas grand-chose. Finalement, je m’attendais à aller de surprise en surprise en lisant ce texte, mais des surprises il n’y en a pas eu beaucoup rapportées au nombre de pages. 

Alors oui cette lecture a été une déception, on peut le dire, car je partais avec des exigences énormes. Pour autant, elle renferme également énormément de scènes incroyables, de questionnements et de propositions intéressantes. Mon avis sur ce deuxième tome est donc très paradoxal, car si à la lecture j’ai attendu en vain de retrouver les éléments qui m’avait captivée dans le premier tome, je garde finalement en tête, plusieurs jours après la lecture, les idées exposées sur la représentation de notre futur, sur notre société, je garde en mémoire les scènes spatiales épiques, cette scène de confrontation finale intense entre Luo Ji et les Trisolariens et la manière surprenante dont ce personnage réussit à renverser les évènements. Bref oui, j’ai été déçue par cette lecture, je me suis souvent ennuyée, j’ai été ennuyée par la cohérence de certains évènements et par la facilité de certaines propositions. Mais j’ai aussi rarement lu une trilogie comme celle-là et si je n’avais pas été baisée par la lecture du premier tome, j’aurais sûrement adoré La forêt sombre. Alors il ne me reste plus qu’une chose à faire désormais : lire le troisième tome. 

D’autres avis : Tachan – Blackwolf – Chut maman lit – FeyGirl – Herbefol – Apophis, Le Chien Critique – Gromovar – L’épaule d’Orion

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Le problème à trois corps, tome 2 : La forêt sombre 
Auteur : Liu Cixin

Traduction : Gwennaël Gaffric

Maison d’édition :  Actes Sud
Genre : Science-fiction
Publication française :  Octobre 2017
Nombre de pages : 659 pages 
Prix : 28,50 € (broché) / 12 € (poche) / 9,99 € (numérique)