[Chronique] La voix des ombres, de Frances Hardinge

La voix des ombres

« Sa mère hocha la tête avec lenteur. Elle ne dit rien de plus et n’acheva pas son histoire. Makepeace sentit son sang se glacer. Sa mère était comme ça, par moments. Les conversations devenaient des énigmes semées d’embûches, et ce qu’on répondait était lourds de conséquences. »


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La voix des ombres
Autrice :
Frances Hardinge
Traduction : Philippe Giraudon
Illustration : Kate Forrester
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Genre : Fantastique
Date de parution  : 24 janvier 2019
Nombre de pages : 498
Prix : 19,90 €
 
Synopsis
Parfois, quand quelqu’un décède, son esprit s’échappe à la recherche d’un endroit où se réfugier. Certaines personnes qui possèdent un espace en eux représentent alors la cachette parfaite. Makepeace a appris à se défendre contre ces fantômes. Mais un jour, un événement épouvantable lui fait baisser sa garde. A présent, un esprit habite en elle. Il est sauvage, fort et en colère… mais il est aussi son seul rempart contre la cruelle famille de son père. Dans un pays déchiré par la guerre, Makepeace doit décider de son destin : la liberté ou la vie.
 

MON avis

Frances Hardinge est une autrice anglaise dont trois romans ont pour l’instant été traduits en français. J’avais déjà lu ses deux précédents : L’île aux mensonges et Le chant du coucou qui ont été tous les deux des coups de cœur et il fallait donc que je continue ma découverte de l’autrice avec son dernier roman traduit, La voix des ombres.

Un récit fantastique dans un cadre historique intéressant

Comme d’habitude, Frances Hardinge propose un roman très original et empreint d’une magnifique étrangeté comme elle sait si bien le faire. Il est difficile de parler de ce roman et d’aborder son intrigue sans en dire trop et je trouve d’ailleurs que le synopsis, même s’il est court, spoile déjà le récit (je vous conseille donc d’éviter de le lire si ce n’est déjà fait !). La voix des ombres est un roman à découvrir sans trop en savoir pour relier tous les fils de l’histoire petit à petit. On y suit le personnage de Makepeace, une jeune fille à l’enfance troublée qui fait de mystérieux cauchemars. Elle semble avoir un don particulier et être capable de ressentir la présence de fantômes… Inutile d’en savoir beaucoup plus pour arborer cette lecture même si on est très loin dans ce roman d’une banale histoire de fantôme et que la thématique est traitée avec beaucoup d’originalité !

En plus de sa part de fantastique prédominante, ce roman possède un fond historique puisqu’il se déroule en Angleterre au XVIIe siècle durant le règne du Roi Charles Ier. La majeure partie du récit se déroule plus particulièrement pendant la Première révolution anglaise qui opposa le pouvoir royal à celui du gouvernement et qui se soldera par la chute de la monarchie au profit du Commonwealth. Le cadre historique est ainsi important, mais agit surtout comme fil conducteur de l’intrigue. Il n’est pas nécessaire de connaître l’Histoire anglaise pour découvrir le roman, mais le roman ne vous en apprendra pas forcément beaucoup sur cette période non plus (le roman n’explique par exemple pas qui du Roi ou du Parlement a fini par remporter le conflit. Si vous souhaitez en savoir plus, il faudra faire vos propres recherches). Le cadre historique apporte ainsi un contexte très agréable et dépaysant et est une bonne porte d’entrée pour s’intéresser à la manière de vivre à cette époque. Le roman ne prend d’ailleurs aucun parti puisque Makepeace, dans ses aventures, se retrouve alternativement du côté des troupes royales puis du côté de celles du Parlement. Elle n’est elle-même pas assez renseignée sur le conflit pour choisir un camp et on a donc un regard très neutre sur le conflit, ce qui est intelligent de la part de l’autrice et permet de prendre du recul sur les évènements pour se concentrer sur l’aspect fantastique et les mésaventures de Makepeace. 

Une intrigue intelligente portée par une magnifique plume

Comme dans les précédents romans de l’autrice, sa plume m’a énormément plu dans La voix des ombres. Frances Hardinge possède une plume extrêmement métaphorique. Elle use d’énormément de métaphores pour décrire les situations et les sentiments des personnages et réussi souvent à poser des mots très justes sur les choses. Bien que sa plume soit travaillée, elle reste tout de même très fluide et abordable, complètement adaptée à la cible plutôt jeunesse de ce roman. De plus, les talents de conteuse de Frances Hardinge nous immerge très facilement dans ses univers, aussi étranges soient-ils ! Malgré tout, ces métaphores et la précision avec laquelle l’autrice décrit les choses a forcément un impact sur le rythme. Même s’il se passe énormément de choses dans ce roman, on ne peut pas vraiment le qualifier de roman d’action, et mieux vaut donc aimer les récits qui prennent leur temps pour pouvoir pleinement l’apprécier. 

La voix des ombres dépeint une intrigue qui s’intéresse tout particulièrement aux liens familiaux. Makepeace, qui ne connaît pas sa famille au début du roman, va être amenée à la découvrir et être mêlée à ses plus sombres secrets. Ce roman possède un ton assez noir et les évènements qui y sont décrits sont parfois difficiles. La pauvre Makepeace va de malheurs et malheurs et le début du roman possède un ton particulièrement pessimiste qui ne plaira pas forcément à tout le monde, mais qui donne une atmosphère que j’ai personnellement beaucoup aimée. Mais, malgré les épreuves que traversent l’héroïne, elle possède une vivacité d’esprit et une malice qui l’aide à se sortir de toutes les situations. Elle ne baisse jamais les bras et possède une positivité qui contrebalance le ton très sombre du récit lui donnant une petite touche de légèreté et de fraîcheur. Les fantômes que l’héroïne va croiser au cours de ses aventures apportent également une touche d’humour très bienvenue. L’autrice a donc bien dosé les différents éléments de son intrigue et nous emporte dans un récit loin d’être prévisible. Difficile de savoir à l’avance où l’intrigue nous emmène et les choix de l’héroïne sont parfois très surprenants. Je n’ai d’ailleurs pas forcément adhéré à toutes ses décisions, Makepeace agissant parfois avec une impulsivité qui ne m’a pas forcément plu. Je n’ai donc pas toujours été complètement convaincue par ce personnage, mais j’ai quand même beaucoup apprécié la suivre dans ses aventures et je lirai avec grand plaisir d’autres romans de Frances Hardinge (en espérant que d’autres soient traduits en français sinon j’essayerai en VO) !


Conclusion


La voix des ombres est un roman fantastique qui dépeint une fresque familiale dans un contexte historique très intéressant. Le roman se déroule ainsi durant la Première révolution anglaise, période dont l’autrice a très bien su s’approprier pour créer le fil de son intrigue. On suit le personnage de Makepeace dans son enfance et son adolescence qui va partir sur les traces de sa famille et en découvrir ses sombres secrets. La très belle plume, très métaphorique, de Frances Hardinge nous emmène aisément dans ce récit à l’ambiance très particulière. L’atmosphère est très sombre, les évènements se déroulant dans le récit sont particulièrement tragiques, le tout étant accentué par la dureté de la vie à cette époque conflictuelle de l’Histoire anglaise. Heureusement, le beau personnage de Makepeace vient contrebalancer cette noirceur grâce à son dynamisme et sa positivité à toute épreuve. C’est un personnage extrêmement ingénieux réussissant à se sortir de toutes les situations et qui donne à l’intrigue une tournure toujours surprenante. Dans cette intrigue originale et bien menée, on retrouve également une part de fantastique grâce à la présence de fantômes (ou plutôt devrait-on dire d’esprits ?). Cette thématique est également abordée de manière originale et bien loin des clichés qui l’on peut trouver dans ce type d’histoire !

TB lecture

4 réflexions sur “[Chronique] La voix des ombres, de Frances Hardinge

  1. plumesdelune 24 février 2021 / 16 h 41 min

    J’aime trop les livres de l’autrice pour justement leur originalité et ingéniosité ! j’avais moins aimé le sujet de celui-ci mais il est quand même top !
    Kin

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  2. zoelucaccini 1 décembre 2021 / 13 h 39 min

    Je viens de le récupérer à la librairie… Le livre en lui-même est magnifique ! Je le lirai cet hiver.

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