[Chronique] L’étrange traversée du Saardam, de Stuart Turton

l'étrange traversée du saardam
 
« Comme tout à bord, la solidité du bateau avait été une illusion. Ils s’étaient enfermés dans une prison de bois et de clous et s’étaient jetés à la mer, pensant que leur courage leur permettrait de s’en sortir sains et saufs. Et alors leur ennemi avait levé la main et leur avait montré combien ils avaient été idiots. »


 
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L’étrange traversée du Saardam
Auteur : Stuart Turton
Traduction : Fabrice Pointeau
Maison d’édition : Sonatine
Genre : Thriller / Fantastique
  Parution française : 3 mars 2022
Nombre de pages : 580
Prix : 23 €
 
Synopsis
1634. Le Saardam quitte les Indes orientales pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l’île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d’une sombre affaire. Alors que la traversée s’avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d’étranges événements. Un symbole de cendres apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit, et les phénomènes surnaturels se multiplient. Le bateau serait-il hanté, ses occupants maudits ? Aucune explication rationnelle ne semble possible. Et l’enquête s’avère particulièrement délicate, entre les superstitions des uns et les secrets des autres.
MON avis
L’étrange traversée du Saardam est le deuxième roman de Stuart Turton. L’auteur avait beaucoup fait parler de lui avec Les sept morts d’Evelyn Hardcastle, un roman labyrinthique que j’avais trouvé brillant autant dans sa construction que dans son propos et sa résolution. Je n’ai donc pas hésité à continuer ma découverte de l’auteur même si la barre était placée très haut. Alors ai-je bien fait ?
 

Un thriller classique

 
L’étrange traversée du Saardam est un roman en de nombreux points différent du précédent roman de l’auteur. L’action se déroule majoritairement sur un bateau effectuant la longue traversée entre les Indes orientales et Amsterdam au XVIIe siècle.  Le récit se déroule donc sous une forme d’un huis-clos et possède une structure linéaire beaucoup plus simple à suivre que Les sept morts d’Evelyn Hardcastle. Pas de science-fiction ici, l’auteur reste dans un thriller plus classique avec plutôt un aspect fantastique qui reste à l’appréciation du lecteur. En effet, avant même la traversée, des évènements étranges vont se produire visant à prévenir les passagers du Saardam que le voyage sera maudit. Et les mystérieux phénomènes vont se poursuivre sur le bateau, à commencer par le symbole d’un démon nommé Old Tom qui va apparaître sur la grand-voile… À mesure de la traversée qui va être de plus en plus terrifiante, les secrets des différents personnages vont être dévoilés ainsi que la véritable raison de leur présence sur le Saardam.
 
Si Stuart Turton nous propose une narration et ambiance extrêmement différente de celle de son premier roman, on retrouve certains éléments qui semblent lui tenir à cœur. Ainsi, on retrouve dans L’étrange traversée du Saardam un nombre assez conséquent de personnages dont tous vont avoir un rôle central à jouer dans le récit. Même si l’intrigue est linéaire d’un point de vue temporel et donc plus classique, l’auteur la construit à la manière d’un cluedo géant, mêlant et entremêlant les fils de tous les personnages pour mieux nous manipuler. Il créé ainsi une nouvelle fois une intrigue complexe dont on devine cette fois-ci certains éléments, mais qui va plus loin que tout ce qu’on pourrait imaginer. 
 

Une ambiance très immersive

Dès les premières pages, l’auteur réussi à insuffler une véritable atmosphère et un véritable souffle à son histoire. Il réussit à nous passionner dès le départ pour la situation de ses personnages et à poser l’ambiance de ce long voyage en mer au XVIIe siècle. Stuart Turton le dit lui-même, son roman n’est pas exempt d’incohérences historiques, l’auteur ayant volontairement pris des libertés pour servir son intrigue (et surtout ne pas la compliquer encore plus). Honnêtement, cela n’est pas dérangeant, l’époque utilisée sert avant tout de cadre à l’histoire afin de mieux expliquer les réactions des personnages et la manière dont la société est organisée. Le fait que certaines technologies ne collent pas tout à fait à l’époque reste secondaire (et ne sera remarquée que par une minorité d’experts), d’autant plus que l’auteur en a conscience et a tout de même fait un gros travail de recherches historiques pour créer ce récit. Tout ça pour dire que le réalisme historique n’est pas forcément le point majeur de ce roman qui réussit tout de même à extrêmement immersif dans son ambiance et à proposer des personnages tout à fait convaincants. L’écriture de Stuart Turton est maîtrisée et travaillée, il propose ce qu’il faut de description pour nous emmener avec lui dans ce voyage en mer tout en proposant un texte fluide et addictif.

« Dehors, la pluie martelait le bois, comme si elle tentait d’entrer. Le navire grondait de façon troublante. Il n’était plus le même depuis la tempête. Les grincements s’étaient mués en hurlement, le gréement était en désordre telle une toile d’araignée brisée. »

L’auteur joue d’ailleurs extrêmement bien de ses personnages et de la situation qu’il met en scène. L’atmosphère se fait de plus en plus pesante à mesure que le récit avance. A vrai dire, le roman démarre très fort avec la scène d’ouverture qui est assez impressionnante et met tout de suite dans l’ambiance. Le soufflé retombe ensuite un peu au début de la traversée qui est plus calme. Stuart Turton prend alors le temps d’introduire correctement chacun de ses nombreux personnages. C’est une partie essentielle pour bien comprendre l’intrigue dont le mystère repose entièrement sur les réelles intentions et les secrets des différents personnages, mais le décalage entre l’introduction très intense et la première partie du roman est un peu fort. C’est d’ailleurs le seul point que je reprocherai à cette histoire, il faut passer les longueurs du début pour pouvoir ensuite savourer le reste du récit. Et une fois cette partie passée, les évènements mystérieux s’enchaînent nous donnant autant d’indices que de fausses pistes. Plus les intentions des personnages semblent se dessiner, plus l’auteur apporte de nouvelles interrogations. Stuart Turton maîtrise extrêmement bien le suspense de son récit jusqu’à un final étonnant et très bien pensé. 

Des personnages très convaincants

Comme je le disais, si l’ambiance est très réussie, le récit repose avant tout sur les personnages et s’il est aussi bien réussi, c’est en grande partie grâce à eux. On suit une multitude de personnages venant de milieux très variés et de toutes les strates de la société. Plusieurs personnages se démarquent comme Sara Wessel, l’épouse du Gouverneur qui a initié ce voyage. C’est une femme coincée dans un mariage arrangé avec un homme qui la maltraite. Elle est accompagnée par sa fille Lia et son amie Creesjie qui est également l’amante du gouverneur. Sur le Saardam elles font la connaissance d’Arent Hayes, lieutenant venu accompagner son ami Samuel Pipps qui a été fait prisonnier. Les deux hommes sont enquêteurs, mais c’est surtout Samuel qui excelle dans ce domaine. Malheureusement il a été mis aux fers et ne peut pas enquêter sur les évènements qui se passent sur le Saardam. C’est donc Arent qui va prendre le relais, aidé par Sara et on suivra donc beaucoup les deux personnages dans leur volonté d’élucider les mystères qui entourent la traversée.
 
Stuart Turton excelle dans la construction de ses personnages qui sont tous très réalistes et humains. Il dépeint parfaitement bien les ambitions et volontés de chacun. Ses personnages sont d’ailleurs retranscrits avec tant de finesse qu’on les suspecte tous les uns après les autres. Tous ont des secrets, une raison propre de se trouver sur le Saardam et il n’est pas forcément facile de savoir qui est honnête ou qui ne l’est pas, car tous les personnages ont une part d’ombre et semblent cacher quelque chose. A travers ses personnages l’auteur aborde également certaines thématiques et notamment des thématiques féministes. Il fait la part belle aux femmes dans son récit à travers des personnages féminins très forts qui sont malheureusement contraint de se brider sans cesse face aux hommes. Le personnage de Lia par exemple, est extrêmement intelligent, ce que sa mère veut cacher à tout prix de crainte que les hommes ne s’en prennent à elle, la catégorisant comme sorcière. L’auteur montre extrêmement bien la difficulté d’être une femme à cette époque, mais pour autant il met en scène des personnages qui vont au-delà de ces difficultés et qui réussissent grâce à leur intelligence. Il dénonce bien cet état de fait et interroge sur la cruauté humaine, la superstition ainsi que le désir de liberté.
 

Encore une fois Stuart Turton aura donc réussi à m’entraîner dans son univers. Si ce thriller est plus classique que son précédent, il reste extrêmement efficace. L’auteur construit à la perfection une atmosphère immersive dont la tension monte crescendo et où l’on s’interroge sans cesse sur les réelles intentions des personnages. Les personnages sont d’ailleurs construits avec beaucoup de finesse et de réalisme. On s’attache à certains tout en doutant sans cesse d’eux, car tous cachent des choses. L’auteur dénoue les fils de son intrigue avec minutie nous laissant deviner certaines choses pour mieux nous surprendre ensuite. Et sous ses allures de bon divertissement, le récit nous propose également une belle réflexion sur la société de l’époque, la place des femmes et des superstitions et le désir de liberté. 
 
coup de coeur

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6 réflexions sur “[Chronique] L’étrange traversée du Saardam, de Stuart Turton

  1. tampopo24 6 août 2022 / 9 h 46 min

    Même si c’est plus classique toutes les autres belles qualités d’écriture sur tu cites dont celle des personnages me donnent très envie.
    Assurément je l’achèterai à sa sortie en poche en espérant que la couverture soit reprise 😍

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  2. Tigger Lilly 7 août 2022 / 9 h 15 min

    Beaucoup aimé le premier mais celui-ci j’attends une sortie poche ou une sortie audio pour le lire car je vois passer des avis assez contrastés.

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    • Sometimes a book 7 août 2022 / 12 h 58 min

      Je comprends bien il est très différent du premier et je comprends qu’il divise ! J’espère qu’il sortira en poche et que tu pourras le découvrir

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