[Chronique] Vita Nostra, de Marina & Sergueï Diatchenko

Vita Nostra
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« Elle avait cru à l’impossible. Comme un enfant croit qu’on lui offrirait un poney pour Noël. C’est deux-là étaient sans doute en train de débattre de ce qu’il fallait faire d’elle, de la façon d’utiliser ce matériau sans valeur. »


 
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Vita Nostra
Auteurs :
Marina & Sergueï Diatchenko
Traducteur : Denis E. Savine
Éditeur : L’atalante
Genre : Fantastique
Date de parution : 24 octobre 2019
Nombre de pages : 525
Prix : 25,90 €
Synopsis

Vita nostra brevis est, brevi finietur…
« Notre vie est brève, elle finira bientôt… »C’est dans le bourg paumé de Torpa que Sacha entonnera l’hymne des étudiants, à l’« Institut des technologies spéciales ». Pour y apprendre quoi ? Allez savoir. Dans quel but et en vue de quelle carrière ? Mystère encore. Il faut dire que son inscription ne relève pas exactement d’un choix : on la lui a imposée… Comment s’étonner dès lors de l’apparente absurdité de l’enseignement, de l’arbitraire despotisme des professeurs et de l’inquiétante bizarrerie des étudiants ? A-t-on affaire, avec Vita nostra, à un roman d’initiation à la magie ? Oui et non.
On évoque irrésistiblement la saga d’Harry Potter et plus encore Les Magiciens de Lev Grossman.
Mêmes jeunes esprits en formation, même apprentissage semé d’obstacles. Mais c’est sur une autre terre et dans une autre culture, slaves celles-là, que reposent les fondations d’un livre qui nous rappellera que le Verbe se veut à l’origine du monde.

MON avis

Vita Nostra est une réelle expérience de lecture dont il est difficile de parler correctement avec de simples mots. Et c’est ironique, car le « Mot » est justement au centre de ce roman d’une manière bien particulière !  Ce roman imprésentable est le premier tome d’une série de trois romans qui se construisent de manière indépendante autour du thème de la métamorphose. Ici c’est Sacha qui va faire l’expérience de la métamorphose dans une étrange école dans laquelle on enseigne une spécialité que tout le monde a bien du mal à comprendre. 

Un roman aussi fascinant que dérangeant

Vita Nostra est une œuvre magistrale qui piège le lecteur entre les mailles de son filet. Il exerce à la fois un sentiment d’oppression et de fascination qui rend la lecture extrêmement addictive. On ne comprend pas ce qu’on est en train de lire tout comme les personnages ne comprennent pas ce qu’ils sont en train de vivre, et on a besoin de continuer à lire, comme une obsession. Les personnages tout comme le lecteur sont soumis à une emprise psychologique qui nous empêche de nous éloigner de ces pages, même si on évolue dans un flou constant. Néanmoins si ces aspects rendent le récit complètement fascinant et créent une véritable expérience de lecture, je suis également convaincue qu’il ne plaira pas à tout le monde et qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains.

Vitra Nostra n’est pas une lecture qu’il faut lire pour se divertir. Ce n’est pas un roman divertissant et bien au contraire il peut être extrêmement dérangeant et une tension constante s’en dégage. L’université dans laquelle se retrouve l’héroïne fonctionne par l’enseignement par la peur. Cette peur est entretenue dans l’écriture très froide et précise des auteurs et la culture slave qui se dégage du récit. On ressent le froid de l’hiver russe en lisant les pages de ce roman, tout comme le froid des sentiments des personnages et notamment des professeurs qui sont extrêmement difficile à cerner. L’auteur nous emmène sur des chemins complexes dont on ne comprend pas la direction. Certains pourraient donc trouver ce roman trop angoissant, d’autres n’apprécieront pas la trop grande dimension métaphorique du récit, néanmoins, Vita Nostra est un roman unique qui se ressent plus qu’il ne se lit et qui joue avec les angoisses et particulièrement celles du passage de l’adolescence à l’âge adulte. 

Une métaphore de l’adolescence

Car c’est bien de ça qu’il est question dans Vita Nostra, la difficulté à accepter ce passage à l’âge l’adulte et je dois dire que je n’avais jamais lu de roman traitant aussi bien de ce sujet. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que l’un des auteurs ait été psychiatre quand on voit à quel point les personnages sont bien construits d’un point de vue psychologique. J’ai rarement vu des personnages aussi réalistes et c’est ce qui rend ce roman d’autant plus dérangeant, il est aisé de se mettre à leur place, d’autant plus pour un lecteur adulte qui a vécu la période difficile que les personnages sont en train de vivre. 

Le récit passe par la déconstruction puis la reconstruction de l’identité de ses personnages. Tout cela est fait à travers des scènes de vie banales. On suit Sacha dans son quotidien, dans sa façon de gérer ses études et ses relations amicales et amoureuses. C’est un des personnages les plus intéressants que j’ai eu l’occasion de croiser et qui casse la figue de l’élue. Sacha est extrêmement douée, beaucoup plus que tous les autres élèves de son institution. On pourrait croire qu’on suit encore un énième personnage au talent exceptionnel qui réussit tout beaucoup trop facilement. Et pourtant le talent de Sacha est la cause de beaucoup de ses maux et ne rend absolument pas les choses plus faciles. Les deux auteurs ont fait un travail remarquable sur la psychologique de la jeune fille en montrant que malgré ses aptitudes tout n’est pas plus facile pour elle. Elle doit aussi traverser les épreuves du passage de l’adolescence vers l’âge adulte et accepter la déconstruction de sa personnalité, ce qui est, dans certains aspects, beaucoup plus difficile pour elle que pour d’autres personnages. Comme tous les autres étudiants de l’institut, la réussite de Sacha nécessite qu’elle empreinte le chemin de la peur et de la souffrance. 

« Vous faites de votre mieux pour arriver au résultat inverse. Vous vous battez pour conserver votre forme communément admise : deux bras, deux jambes… Vous rêvez d’une douche chaude… Sacha, tout ce qui est matériel na pas grande valeur. Ce qui a réellement de la valeur, c’est ce qui est au-delà, réfléchissez-y. Vous comprendrez, vous êtes une fille intelligente, je place beaucoup d’espoir en vous. »

J’ai eu du mal à quitter ce personnage et c’est vraiment le seul bémol que je retiens de ce roman. La fin est abrupte et je n’étais pas prête à laisser partir Sacha. J’ai terriblement envie de continuer à la suivre et c’est particulièrement frustrant de refermer ce livre, de devoir quitter ce personnage sans avoir toutes les réponses à nos questions. Néanmoins, je resterai très longtemps marquée par ce roman très intelligent qui réussit à transmettre sa parole dans un cheminement si complexe tout en restant toujours très fluide et abordable dans son écriture.   


Conclusion


Vita Nostra une expérience de lecture aussi fascinante et dérangeante qui plonge le lecteur dans une atmosphère floue et angoissante. L’apprentissage par la peur représente bien ce que les personnages vont subir dans cet étrange institut dans lequel on retrouve très bien l’ambiance froide de la culture slave. Ce roman nous propose finalement une métamorphose autant physique que métaphorique qui questionne extrêmement bien sur les difficultés de passer de l’adolescence à l’âge adulte à travers des personnages glaçant de réalisme. 

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24 réflexions sur “[Chronique] Vita Nostra, de Marina & Sergueï Diatchenko

  1. Baroona 22 avril 2020 / 12 h 50 min

    Excellent en effet, je te rejoins globalement sur tout, sans peut-être la frustration de fin, pour moi ce qui devait être conté était conté.
    En tout cas ça met la barre très haute pour les deux autres volumes du triptyque, je me demande bien ce qui pourra s’y cacher. ^^

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    • Sometimes a book 22 avril 2020 / 18 h 16 min

      Je voulais tellement savoir ce qu’il se passe après la troisième année ! 😥 Mais c’est clair que la barre va être haute pour les deux suivants !

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  2. OmbreBones 22 avril 2020 / 20 h 10 min

    Waw.
    C’est ta chronique qui me convainc de lire ce roman ! Je vais me le procurer dès que possible auprès de l’Atalante ☺️

    Aimé par 1 personne

  3. Elhyandra 18 Mai 2020 / 10 h 55 min

    Il faut vraiment que je le découvre, je n’entends que du bien de ce livre

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  4. lauradesmots 9 juillet 2020 / 16 h 28 min

    Je l’ai déjà croisé mais sans vraiment y faire attention, ta chronique me donne bien envie de me pencher d’un peu plus près sur ce roman !

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