[Chronique] American Elsewhere, de Robert Jackson Bennett

American Elsewhere

« Pour l’heure, l’impensable a eu lieu : l’un d’eux est mort. Non, pire que ça : il a été assassiné. Comment une telle chose a-t-elle pu arriver ? Est-ce que la mer clapote dans le ciel ? Est-ce que les planètes se percutent ? Est-ce qu’on peut tenir les étoiles dans la paume de sa main ? Non, non. Par conséquent, ils ne peuvent pas mourir. »


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American Elsewhere
Auteur :
Robert Jackson Bennett
Traduction : Laurent-Philibert Caillar
Illustration : Aurélien Police
Éditeur : Albin Michel
Genres : Thriller / Science-fiction
Date de parution : 26 septembre 2018
Nombre de pages : 784
Prix : 29 €
 
Synopsis
Veillée par une lune rose, Wink, au Nouveau-Mexique, est une petite ville idéale. À un détail près : elle ne figure sur aucune carte. Après deux ans d’errance, Mona Bright, ex-flic, vient d’y hériter de la maison de sa mère, qui s’est suicidée trente ans plus tôt. Très vite, Mona s’attache au calme des rues, aux jolis petits pavillons, aux habitants qui semblent encore vivre dans l’utopique douceur des années cinquante. Pourtant, au fil de ses rencontres et de son enquête sur le passé de sa mère et les circonstances de sa mort (fuyez le naturel…), Mona doit se rendre à l’évidence : une menace plane sur Wink et ses étranges habitants.
Sera-t-elle vraiment de taille à affronter les forces occultes à l’œuvre dans ce lieu hors d’Amérique ?
 

MON avis

Un récit étrange et captivant

Bienvenue à Wink, petite ville du Nouveau-Mexique qui semble être le cadre idéal, la représentation même du rêve américain. Mais dès les premiers chapitres, on sent que quelque chose d’étrange se cache dans cette ville. Il faut dire que le titre de la première partie : « Prenez garde » nous met la puce à l’oreille et que certains chapitres sont particulièrement déroutants. Car American Elsewhere est construit de manière à alterner les chapitres où l’on suit Mona, personnage principal de cette histoire, qui a hérité d’une maison à Wink et divers personnages secondaires liés à la ville de Wink. Ainsi, il y a un très grand nombre de personnages secondaires, certains n’apparaissant qu’une fois dans le récit d’autres étant plus récurrents. Mais c’est surtout à travers le personnage de Mona que l’on découvre Wink. Mona se retrouve liée à Wink par sa mère qu’elle n’a que trop peu connue et dont elle découvre vite qu’elle était très loin de la femme dépressive qu’elle lui a toujours semblé être. Ce départ de Mona pour Wink représente donc à la fois un nouveau départ et une quête de ses origines. Cela va la conduire dans un monde complètement hors du temps sur lequel les années ne semblent avoir aucune incidence et qui semble posséder ses propres codes.

Robert Jackson Bennett mêle thriller et science-fiction dans ce récit dont l’ambiance et la construction ne sont pas sans rappeler celles des romans de Stephen King. On trouve également un esprit Lovecraftien dans toute l’étrangeté qui entoure le récit, cela étant plus particulièrement présent la seconde moitié du roman. À l’instar de Stephen King, Robert Jackson Bennett met l’accent sur l’ambiance et les personnages qui sont très réussis et prend son temps pour installer son intrigue. Il emploie une plume assez descriptive et très visuelle pour décrire son univers et s’attarde beaucoup à décrire le comportement des personnages. Très vite, on ressent une forte dichotomie entre la vie parfaite que semblent avoir les habitants de Wink et tous les petits éléments anormaux qui s’accumulent et que l’auteur dissémine très bien tout au long de son récit. Toute la première partie de l’intrigue est captivante tant les pistes de compréhension sont nombreuses. L’intrigue nous incite à tisser de nombreux fils pour essayer de rassembler tous les éléments rendant le roman difficile à lâcher ! L’auteur finit tout de même par donner énormément d’indices qui nous laissent deviner beaucoup de choses et lorsque les révélations arrivent, elles ne sont pas forcément surprenantes. La deuxième partie du roman est donc un peu plus prévisible, mais aussi plus rythmée.  Finalement, pendant toute la deuxième partie du récit, j’ai eu l’impression que le lecteur avait une petite longueur d’avance sur Mona en termes de compréhension de l’univers, ce qui n’empêche pas d’apprécier la lecture et de se laisser porter par l’ambiance et les personnages.

Entre science-fiction et horreur

Robert Jackson Bennett utilise une démarche assez scientifique dans ce roman puisqu’il se sert de la science pour expliquer les phénomènes se déroulant dans la ville de Wink et la transcende en lui inventant de nouveaux codes. On se retrouve réellement dans un récit de science-fiction, genre qui prend finalement le pas sur l’aspect horrifique. Si American Elsewhere nous offre de petits frissons, la tension du récit montant crescendo au fil de l’intrigue, il est loin pour moi d’être un récit vraiment horrifique. Si l’étrangeté de la ville de Wink est très bien retranscrite, j’ai regretté que l’auteur n’aille pas un peu plus loin dans l’horreur. Les personnages insistent pourtant beaucoup sur l’aspect terrifiant de Wink la nuit, mais il y a un décalage entre ces paroles et la réalité, ce qui laisse une petite frustration. Wink ne m’a jamais semblée vraiment terrifiante même si elle a un côté dérangeant assez marqué et qui fonctionne tout aussi bien pour créer une atmosphère immersive. D’ailleurs, ce côté dérangeant est surtout le fait du comportement et des paroles des habitants de Wink plus que des évènements se déroulant dans la ville elle-même. Les personnages semblent agir de manière complètement irrationnelle et sont assez difficiles à cerner, ce qui les rend extrêmement intéressants et amène des dialogues truculents. 

Des personnages très réussis 

Et c’est bien là la plus grande réussite de ce roman : les personnages. Robert Jackson Benett prend du temps pour développer ses nombreux personnages et les construire avec beaucoup de finesse. Les personnages possèdent des particularités très étranges, ils ne semblent pas réfléchir comme nous et pourtant ils sont extrêmement humains et gris pour la plupart. Les personnages aident à mieux faire passer les quelques longueurs qui parsèment ce récit. Car du haut de ses 784 pages, American Elsewhere possède parfois quelques problèmes de rythme accentué par la prévisibilité de certaines révélations. La quête de vérité de Mona est semée d’embûches et l’auteur n’hésite pas à mettre de très nombreux dangers sur son chemin. Ce chemin peut donc parfois sembler un peu long avant d’arriver à son terme, mais American Elsewhere reste un roman addictif et facile à lire et ces longueurs ne posent donc pas de problèmes majeurs à la lecture. Dommage cependant que dans ses 784 pages il manque quelques explications sur une facette de Wink, ce qui créé de petites incohérences.  

Finalement dans toute cette étrangeté, il ressort une thématique centrale : celle de la relation mère-enfant. Si vous me connaissez, vous savez que ce n’est pas une thématique qui me touche particulièrement et pourtant je l’ai trouvée très bien traité dans le récit. Elle est traitée à travers plusieurs points de vue et prismes sans être pour autant forcée et omniprésente dans l’histoire. Elle représente surtout une toile de fond qui prend son importance petit à petit jusqu’à devenir un élément central. Plus qu’un pur divertissement, American Elsewhere possède ainsi une profondeur bienvenue, ce qui fait de ce roman une grande réussite malgré ses quelques défauts. 


Conclusion


American Elsewhere nous emmène dans la petite ville de Wink sur les traces des origines du personnage principal Mona. Wink semble être un lieu idyllique au premier abord, mais il en ressort vite énormément de petites étrangetés. Que ce soit dans le comportement des personnages ou dans les évènements qui se déroulent dans la ville, rien ne semble normal à Wink et un côté dérangeant se dégage rapidement du récit. A l’image de Stephen King, Robert Jackson Benett prend le temps de développer son ambiance et ses personnages et dissémine de nombreux indices nous incitant à tisser de nombreux fils pour remettre les éléments à leur place. Les personnages sont un grand point fort du roman tant ils sont bien construits et offrent des moments savoureux. Ils sont à la fois étranges, différents, mais en même temps justes et touchants. Ils sont très agréables à suivre et contribuent à rendre le récit addictif malgré les quelques problèmes de rythme et la prévisibilité de l’intrigue dans sa seconde partie. Dans toute son étrangeté, le roman nous offre également une belle réflexion sur la relation mère-enfant, thématique bien traitée et développée avec finesse tout le long du récit. 

TB lecture

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10 réflexions sur “[Chronique] American Elsewhere, de Robert Jackson Bennett

  1. OmbreBones 23 janvier 2021 / 13 h 50 min

    Ta chronique me donne envie d’en découvrir plus alors que je n’ai jamais été si attirée que ça par ce titre…

    Aimé par 1 personne

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